Napoléon et la conquête du monde/I/15

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H.-L. Delloye (p. 70-72).

CHAPITRE XV.

RÉPUBLIQUE DE SAINT-MARIN.



Une conquête assez ridicule vint rompre, pour la distraction de l’Europe et l’amusement de la postérité, la monotonie si glorieuse de toutes ces grandes révolutions.

À quelques lieues de Rimini, dans le royaume d’Italie, existait une petite république de Saint-Marin, peuplée d’environ six mille habitants et ayant un territoire de deux lieues de diamètre.

L’histoire de ce petit pays montre jusqu’à quel point le dédain peut servir de salut aux peuples.

Les habitants de Saint-Marin, depuis plus de huit cents ans, s’étaient constitués dans un état d’indépendance ; c’était une république nommant ses magistrats, un provéditeur et quelques autres fonctionnaires, et il semblait que, par une plaisanterie politique, les autres puissances avaient toujours voulu épargner cette nation.

Mais au mois de juin 1815, le garde-champêtre d’une commune voisine, dépendant de l’empire français, ayant arrêté un délinquant sur un champ de la république, cet acte fut considéré comme une violation d’un territoire étranger, d’où grande rumeur dans la cité.

Le conseil fut assemblé, et là furent gravement agités l’importance de cet événement et les moyens d’y remédier. Les discussions furent longues, énergiques, et il fut arrêté qu’une adresse ferme et pleine des sentiments de liberté et de douleur serait envoyée à l’empereur des Français, pour réclamer sur cette violation du pays et demander une réparation.

Cela pouvait être hardi et assez fièrement convenable, si l’empereur avait bien voulu, par le même sentiment de pitié qu’avaient consacré les siècles, permettre cette réparation.

Mais cela était complètement ridicule si le souverain s’en irritait, ce qui n’arriva pas tout-à-fait cependant.

L’empereur fit écrire au préfet de Pesaro qu’il eût à nommer un maire à la commune de Saint-Marin, qui dorénavant dépendrait du canton et de l’arrondissement de Rimini, et à ordonner que le commissaire de police de cette dernière ville se transporterait à Saint-Marin pour proclamer cet arrêté de la préfecture.

Ainsi expira dans un procès-verbal de commissaire de police l’ancienne république de Saint-Marin.