Napoléon et la conquête du monde/II/35

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H.-L. Delloye (p. 437-439).

CHAPITRE XXXV.

UNITÉ. — § 1.



Cependant, le monarque universel étendait sur le monde son grand système d’unité.

L’unité de législation fut la première établie.

Il en fut de même de l’unité de poids et mesures ; de l’unité monétaire : une seule monnaie eut cours dans toute l’étendue de la terre. L’effigie des autres souverains n’y fut pas conservée ; un côté présentait le buste de l’empereur, avec ces mots : Napoléon empereur des Français ; et l’autre, un globe avec une aigle aux ailes déployées, et l’exergue Monarchie universelle.

Le système d’éducation fut renouvelé et étendu uniformément d’après la restauration habile qui fut due surtout aux remarquables travaux de MM. de Fontanes, Guizot et Brougham.

L’éducation était publique et gratuite. Six degrés d’écoles prenaient les enfants des pauvres et des riches au début de leur pensée, pour les mener successivement aux connaissances les plus transcendantes. Des examens impartiaux admettaient les capables dans le degré supérieur.

L’instruction publique, ainsi renouvelée, fut plus rapide dans son cours, et partout donnée en langue française.

L’empereur tint surtout à établir cette dernière unité de langue. Tous les actes législatifs, administratifs, civils ou autres ; les plaidoiries, les déclarations, toutes les paroles et tous les écrits ayant un caractère public, furent nécessairement en langue française. La génération existante se plia d’abord fort difficilement à cette loi, mais celle qui suivit se façonnait dans les écoles au langage universel, et reportait dans la famille ce langage nouveau qui s’y introduisait en maître et remplaçait partout les autres langues.

L’agriculture et le commerce, dirigés par un sénat spécial établi près de l’empereur, gagnèrent, sinon une unité impossible dans des conditions et des climats divers, du moins une harmonie et une balance utiles à tous.

Les sciences, les lettres et les beaux-arts eurent aussi des foyers d’unité dans la capitale du monde ; trois conseils supérieurs dominaient d’autres conseils de seconde classe répandus sur tous les points du globe. Par leur correspondance continuelle ils ramenaient au centre commun les efforts et les résultats du génie, pour les faire rayonner de ce foyer et les répandre aux extrémités de la terre.

Une bibliothèque universelle fut créée, composée de la bibliothèque impériale, complétée dans ce qui lui manquait par toutes les bibliothèques du monde. La multitude des livres, des manuscrits, des estampes qui s’accumulèrent ainsi fut telle, que l’empereur conçut le dessein de réunir ces richesses immenses aux musées encombrés eux-mêmes, et de les placer dans une ville bibliothèque et musée. Versailles fut choisie pour cette destination ; cette ville, par la prodigieuse extension de la capitale de la terre, était déjà liée à Paris et considérée comme un de ses faubourgs ; elle se trouva ainsi être la cité des arts et des lettres, et réunir dans l’immensité de ses palais et de ses galeries ces collections merveilleuses.