Notes historiques sur la vie de P. E. de Radisson/Dans l’Ouest, vers le Mississippi

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TROISIÈME VOYAGE.

dans l’ouest, vers le mississipi.



Ce fut, vers le milieu de juin 1658, que Radisson et des Groseilliers, entreprirent le premier voyage qu’ils firent ensemble.

Ils étaient accompagnés de 29 Français et 13 sauvages. Avant d’atteindre les premiers grands lacs, ils furent assaillis, à maintes reprises, par des bandes Iroquoises, qui infestaient la colonie. Ils furent même obligés, de se construire un fort d’occasion, pour résister à leurs attaques. Ils finirent par repousser ces barbares, après leur avoir tué 13 guerriers. Les Français découragés par les difficultés du voyage et les périls constants, auxquels leur vie était exposée, décidèrent de ne pas aller plus loin. Ils retournèrent donc à Montréal. Nos deux voyageurs, qui en avaient vu bien d’autres, continuèrent leur route. Ils remontèrent le cours du St Laurent et des lacs sans trop d’accident.

Comme ils n’avaient pas toujours le temps de s’arrêter pour chasser ou pêcher, Radisson parle d’un certain mets, qui remplaçait souvent le gibier et le poisson. C’était une espèce de glue noirâtre, ressemblant à de la gélatine. Ils l’obtenaient en faisant bouillir des lichens, appelés par les voyageurs « tripes de roche. » Ils rencontrèrent en certains endroits, un si grand nombre de loutres, que les sauvages les tuaient à coups de bâtons.

Parvenus au lac Huron, leurs compagnons de voyage se séparèrent d’eux et continuèrent leur course vers l’Ouest. C’était dans cette direction, que demeurait la nation à laquelle ils appartenaient.

De leur côté, Radisson et des Groseilliers se dirigèrent vers le sud. Quelques Hurons et Octanacs consentirent à les accompagner dans cette expédition.

La plupart des découvreurs de l’Amérique du Nord, semblent n’avoir pu deviner l’immense étendue de notre continent. On est presque tenté de croire qu’ils voulaient le rapetisser, afin de pouvoir le parcourir plus facilement. D’ailleurs, c’est naturel pour le voyageur de toujours se croire prêt d’arriver au terme, suivant cet axiome anglais « The wish is father of the thought ; » C’est ainsi que Radisson s’imaginait rencontrer, dans le voisinage du lac Huron, une rivière qui le conduirait promptement au rivage de la mer.

Les premières tribus, dont nos voyageurs firent connaissance, furent les Pontonatemick et les Panoestigonce. Cette dernière, comme son nom l’indique, habitait autrefois le Saut Ste. Marie, d’où elle avait été repoussée par les Iroquois.

Pendant l’hiver ils firent alliance avec les Escolecke, ou nation de feu, et visitèrent quelques partis de guerre de cette nation, au printemps de 1659.

Ces sauvages n’avaient jamais vu de blancs. Ils les accueillirent avec de grandes démonstrations de joie, qui n’était pas, cependant, tout à fait désintéressée. Ils espéraient, en effet, que nos deux découvreurs pourraient leur être d’un grand secours dans leur guerre avec une nation appelée Nadonéceronon. Cette dernière tribu parlait une langue, dont l’accent se rapprochait beaucoup de l’Algonquin. La première partie de leur nom « Nadone » accuse en effet une origine Algine.

Les Escolecke avaient des rapports avec les Christineaux, avec lesquels ils échangeaient des provisions et des fourrures. Pendant l’été, les Christineaux vivaient près du littoral de la Baie James. Lorsque les froids de l’hiver commençaient à se faire sentir, ils se retiraient dans l’intérieur du pays et erraient ça et , près des grands lacs.

Les Escolecke, avaient subi le sort des autres nations. Ils avaient occupé d’abord, la partie orientale du lac Supérieur. Leur tradition rapportait, qu’ils avaient marché comme le soleil, de l’est à l’ouest.

Radisson rencontra quelques restes de la nation Huronne, réfugiés dans ces contrées, pour se soustraire aux cruelles poursuites de leur implacable ennemi, les Iroquois.

Les Octanacs qui accompagnaient Radisson, reconnurent aussi plusieurs familles de leur tribu, qui vivaient là comme esclaves. Quel pays, visitèrent Radisson et des Groseilliers ? Il n’est pas facile, ici, de rien préciser. À en juger, par la description des contrées qu’il parcourut, on serait porté à croire, qu’il était dans le voisinage du Mississippi ; probablement dans le Wisconsin ou les Illinois.

Il compare la douceur du climat de ces pays à celui de l’Italie. « Jamais, dit-il, il ne neige, ni ne gèle durant l’hiver. » Il vante le goût exquis du raisin et des citrons que le pays produit en abondance. Il décrit la chasse des troupeaux de buffle etc.

En quittant le lac Huron, Radisson parait s’être avancé jusqu’à l’approche de l’hiver, dans une direction Sud Ouest. Au printemps, plusieurs nations du nord, le pressèrent de venir les visiter. Il dit qu’il refusa de se rendre à leur demande, vu qu’il voulait pousser plus loin dans le Sud, avant de se tourner vers le nord. Toutefois pendant l’été, quoiqu’il ne le mentionne pas clairement, il dût prendre la direction du nord, car il hiverna (1659-1660) dans un endroit bien boisé, où la neige était tellement épaisse, que les chevreuils gênés dans leur course, échappaient difficilement aux flèches des sauvages.

Il passa une partie de l’hiver, en compagnie d’une bande de Christineaux, qui arrivaient des bords de la mer du nord (Baie d’Hudson.) Les Christineaux avaient appris la présence de ces deux blancs dans le pays et étaient venus pour leur demander, de faire la traite avec eux. Jusqu’alors, ils échangeaient leurs fourrures avec des sauvages qui visitaient les postes Français. Ils désiraient traiter directement avec les Français. Radisson promit de faire ses efforts pour venir les visiter plus tard. Il parait s’être fort approché du lac Huron, à la fin de l’hiver. Au printemps 1660, nos deux voyageurs se mirent en route de bonne heure pour retourner à Montréal. Ils étaient suivis d’un grand nombre de sauvages. Du lac Huron, ils suivirent ce qu’ils appellent la route du nord et atteignirent la rivière Ottawa. À 30 lieues en deçà du Calumet, leur parti tua plusieurs bœufs sauvages, dont ils se régalèrent abondamment.

Deux jours, après avoir passé les rapides du Calumet ils furent attaqués par les Iroquois. Ces derniers, les tenaient constamment en alerte. Un jour, ils furent obligés de se retrancher derrière des abattis d’arbres et de se couvrir de peaux de castor, pour échapper à leurs coups. Ils subirent un véritable siège, et ne réussirent à repousser leurs assaillants, qu’après en avoir tué un grand nombre.

Les Iroquois devaient être très nombreux, puisque Radisson était accompagné de 500 sauvages. Il peut se faire que les Iroquois qu’il rencontra, étaient les mêmes, qui venaient de s’emparer du fort du brave Dollard et de ses 17 compagnons.

Je crois, que ce que rapporte Radisson dans son quatrième voyage, au sujet de ce glorieux fait d’armes, devrait trouver sa place, ici. La suite de son récit, semble, d’ailleurs ici interrompu, tandis que dans son quatrième voyage, le même événement, est rapporté comme un morceau détaché. Nos deux voyageurs arrivèrent au Long Saut, 8 jours après cette sanglante affaire, c’est à dire, le 29 mai 1660.

Ils visitèrent le fort. Radisson donne un récit circonstancié de cette héroïque défense d’une poignée de braves, contre plus de 800 Iroquois. Il raconte qu’un seul Français survécut à la prise du fort.

Les Iroquois l’amenèrent dans leur camp. Ayant aperçu près de lui un pistolet, il le saisit et tua le premier Iroquois qui se présenta. Alors, ils le saisirent et le brûlèrent sur l’heure. Les cadavres des Français et des Algonquins, furent attachés à des poteaux échelonnés le long de la rivière. Ce sont là, les seuls détails importants qu’il donne, sur ce combat héroïque.

Nos deux voyageurs arrivèrent enfin à Montréal. De là, ils se rendirent à Québec avec leurs 500 sauvages. Leur arrivée fut saluée comme une bonne aubaine, et un événement remarquable. Le gouverneur en voyant un si grand nombre de sauvages, venus de si loin et surtout chargés de si riches pelleteries, fit tonner la batterie de la citadelle, en leur honneur. Radisson retourna ensuite à Trois-Rivières. Il y avait 14 jours, que cette ville, alors simple bourgade fortifiée, était tenue en alarme, par la présence de 300 Iroquois. Radisson les attaqua et les força à s’enfuir, après leur avoir tué 11 hommes et en avoir blessé davantage. Les sauvages de l’Ouest, purent ensuite retourner dans leur pays, sans être molestés. Radisson termine le récit de ce voyage, en disant que ni lui ni des Groseilliers n’avaient visité la Baie du Nord (Baie d’Hudson) et que tout ce qu’ils en connaissaient, leur avait été raconté par les Christineaux.

« Comme le récit de ces sauvages, dit-il, pouvait après tout, n’être qu’une invention, il fut convenu entre Degroseillersdes Groseilliers et moi, que nous n’en parlerions à personne. »

Ils se proposaient d’aller s’assurer eux mêmes, dans une autre expédition, de la fidélité du rapport, qui leur en avait été fait.