Notes sur le Japon, la Chine et l’Inde/Japon, traité

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TRAITÉ DE YEDO.

(Copie officielle.)

Sa Majesté l’Empereur des Français et S. M. l’Empereur du Japon, voulant établir entre les deux empires les rapports les plus intimes et les plus bienveillants, et faciliter les relations commerciales entre les deux sujets respectifs, ont résolu, pour régulariser l’existence de ces relations, pour en favoriser le développement et en perpétuer la durée, de conclure un Traité de paix, d’amitié et de commerce, basé sur l’intérêt réciproque des deux pays, et ont, en conséquence, nommé pour leurs plénipotentiaires, savoir :

Sa Majesté l’Empereur des Français, le sieur Jean-Baptiste-Louis baron Gros, grand officier de l’ordre impérial de la Légion d’honneur, etc., etc., etc. ;

Et Sa Majesté l’Empereur du Japon, Midzouno Ikogougono Kami, Nagaï Hguembano Kami, Ynouïé Schinanano Kami, Hori Oribeno Kami, Jouaché Fingouno Kami, et Kamaï Sakio Kami ;

Lesquels, après s’être communiqué leurs pleins pouvoirs, trouvés en bonne et due forme, sont convenus des articles suivants :

Art. 1er. Il y aura paix perpétuelle et amitié constante entre Sa Majesté l’Empereur des Français, ses héritiers et successeurs, et Sa Majesté l’Empereur du Japon, comme aussi entre les deux Empires, sans exception de personnes ni de lieux. Leurs sujets jouiront tous également, dans les États respectifs des Hautes Parties contractantes, d’une pleine et entière protection pour leurs personnes et leurs propriétés.

Art. 2. Sa Majesté l’Empereur des Français pourra nommer un agent diplomatique qui résidera dans la ville d’Yedo, et des consuls ou agents consulaires qui résideront dans les ports du Japon qui, en vertu du présent Traité, sont ouverts au commerce français.

L’agent diplomatique et le consul général de France au Japon auront le droit de voyager librement dans toutes les parties de l’Empire.

Sa Majesté l’Empereur du Japon pourra, de son côté, envoyer un agent diplomatique qui résidera à Paris, et des consuls ou des agents consulaires qui résideront dans les ports de l’Empire Français.

L’agent diplomatique et le consul général du Japon en France auront le droit de voyager librement dans toutes les parties de l’Empire français.

Art. 3. Les villes et ports de Hacodadè, Kanagaouà et Nagasaki seront ouverts au commerce et aux sujets français à dater du 15 août 1859, et les villes et ports dont les noms suivent le seront aux époques déterminées ci-après :

Néé-égata, ou, si cette ville n’a pas un port d’un accès convenable, un autre port situé sur la côte ouest de Nipon, sera ouvert à dater du 1er janvier 1860, et Hiogo, à partir du ler janvier 1863.

Dans toutes ces villes et dans leurs ports, les sujets français pourront résider en permanence dans l’emplacement déterminé à cet effet ; ils auront le droit d’y affermer des terrains et d’y acheter des maisons, et ils pourront y bâtir des habitations et des magasins ; mais aucune fortification ou place forte militaire n’y sera élevée sous prétexte de construction de hangars ou d’habitations, et, pour s’assurer que cette clause est fidèlement exécutée, les autorités japonaises compétentes auront le droit d’inspecter, de temps à autre, les travaux de toute construction qui serait élevée, changée ou réparée dans ces lieux.

L’emplacement que les sujets français occuperont, et dans lequel ils pourront construire leurs habitations, sera déterminé par le consul français, de concert avec les autorités japonaises compétentes de chaque lieu ; et si le consul et les autorités locales ne parviennent pas à s’entendre à ce sujet, la question sera soumise à l’agent diplomatique français et aux autorités japonaises, qui la termineront de commun accord.

Autour des lieux où résideront les sujets français, il ne sera élevé ni placé, par les autorités japonaises, ni mur, ni barrière, ni clôture, ni tout autre obstacle qui pourrait entraver la libre sortie ou la libre entrée de ces lieux.

Les sujets français seront libres de se rendre où bon leur semblera dans l’enceinte formée par les limites désignées ci-après :

De Kanagaoua, ils pourront se rendre jusqu’à la rivière Locoo, qui se jette dans la baie de Yedo, entre Kouasaki et Sinagawa, et, dans toute autre direction, jusqu’à une distance de dix ris.

D’Hacodadi, ils pourront aller, à une distance de dix ris, dans toutes les directions.

De Hiogo, à dix ris, aussi dans toutes les directions, excepté vers Kioto, ville dont on ne pourra s’approcher qu’à une distance de dix ris. Les équipages des bâtiments français qui se rendront à Hiogo ne pourront pas traverser la rivière Inagara, qui se jette dans la baie de Cett’s, entre Hiogo et Osaca.

Ces distances seront mesurées par terre, à partir du Goyosso ou Yacousio, de chacun des ports susnommés, le ri équivalant ix trois mille neuf cent dix mètres.

À Nagasaki, les sujets français pourront se rendre partout dans le domaine impérial du voisinage.

Les limites de Néé-é-gata, ou du port qui pourrait lui être substitué, seront déterminées par l’agent diplomatique français, de concert avec les autorités compétentes du Japon.

À partir du 1er janvier 1862, les sujets français seront autorisés à résider dans la ville de Yedo, et, à dater du 1er janvier 1863, dans la ville d’Osaca, mais seulement pour y faire le commerce. Dans chacune de ces deux villes, un emplacement convenable, dans lequel les Français pourront affermer des maisons, sera déterminé par l’agent diplomatique français, d’accord avec le gouvernement japonais, et ils conviendront aussi des limites que les Français ne devront pas franchir autour de ces villes.

Art. 4. Les sujets français au Japon auront le droit d’exercer librement leur religion, et, à cet effet, ils pourront y élever, dans le terrain destiné à leur résidence, les édifices convenables à leur culte, comme églises, chapelles, cimetières, etc., etc.

Le Gouvernement japonais a déjà aboli dans l’empire Yusage des pratiques injurieuses au christianisme.

Art. 5. Tous différends qui pourraient s’élever entre Français au sujet de leurs droits, de leurs propriétés ou de leur personne, dans les domaines de Sa Majesté l’Empereur du Japon, seront soumis à la juridiction des autorités françaises constituées dans le pays.

Art. 6. Tout Japonais qui se rendrait coupable de quelque acte criminel envers un sujet français, serait arrêté et puni par les autorités japonaises compétentes, conformément aux lois du Japon.

Les sujets français qui se rendraient coupables de quelque crime contre les Japonais, ou contre des individus appartenant à d’autres nations, seront traduits devant le consul français et punis conformément aux lois de l’Empire français.

La justice sera équitablement et impartialement administrée de part et d’autre.

Art. 7. Tout sujet français qui aurait à se plaindre d’un Japonais devra se rendre au consulat de France et y exposer sa réclamation.

Le consul examinera ce qu’elle aura de fondé, et cherchera à arranger l’affaire à l’amiable. De même, si un Japonais avait à se plaindre d’un sujet français, le consul de France l’écoutera avec intérêt et cherchera à arranger l’affaire à l’amiable.

Si des difficultés surviennent qui ne puissent pas être aplanies ainsi par le consul, ce dernier aura recours à l’assistance des autorités japonaises compétentes, afin que, de concert avec elles, il puisse examiner sérieusement l’affaire et lui donner une solution équitable.

Art. 8. Dans tous les ports du Japon ouverts au commerce, les sujets français seront libres d’importer, de leur propre pays ou des ports étrangers, et d’y vendre, d’y acheter et d’en exporter pour leurs propres ports, ou pour ceux d’autres pays, toutes espèces de marchandises qui ne seraient pas de contrebande, en payant les droits stipulés dans le tarif annexé au présent Traité, et sans avoir à supporter d’autre charge.

À l’exception des munitions de guerre, qui ne pourront être vendues qu’au Gouvernement japonais et aux étrangers, les Français pourront librement acheter des Japonais et leur vendre tous les articles qu’ils auraient à vendre ou à acheter, et cela sans l’intervention d’aucun employé japonais, soit dans cette vente ou dans cet achat, soit aussi en effectuant ou en recevant le payement de ces transactions.

Tout Japonais pourra acheter, vendre, garder et faire usage de tout article qui lui serait vendu par des sujets français.

Le Gouvernement japonais n’apportera aucun obstacle à ce que les Français résidant au Japon puissent prendre à leur service des sujets japonais et les employer à toute occupation que les lois ne prohibent pas.

Art. 9. Les articles réglementaires de commerce annexés au présent Traité seront considérés comme en faisant partie intégrante, et ils seront également obligatoires pour les deux Hautes Parties contractantes qui l’ont signé.

L’agent diplomatique français au Japon, de concert avec les fonctionnaires qui pourraient être désignés à cet effet par le Gouvernement japonais, aura le pouvoir d’établir, dans tous les ports ouverts au commerce, les règlements qui seraient nécessaires pour mettre à exécution les stipulations des articles réglementaires de commerce ci-annexés.

Art. 10. Les autorités japonaises, dans chaque port, adopteront telles mesures qui leur paraîtront le plus convenables pour prévenir la fraude et la contrebande.

Toutes les amendes et les confiscations imposées par suite d’infractions au présent Traité et aux règlements commerciaux qui y sont annexés appartiendront au Gouvemement de Sa Majesté l’Empereur du Japon.

Art. 11. Tout bâtiment marchand français arrivant devant l’un des ports ouverts du Japon sera libre de prendre un pilote pour entrer dans le port, et, de même, lorsqu’il aura acquitté toutes les charges et tous les droits qui lui auraient été légalement imposés et qu’il sera prêt à partir, il sera libre de prendre un pilote pour sortir du port.

Art. 12. Tout négociant français qui aurait importé des marchandises dans l’un des ports ouverts du Japon, et payé les droits exigés, pourrait obtenir des chefs de la douane japonaise un certificat constatant que ce payement a eu lieu, et il lui serait permis alors d’exporter un chargement dans l’un des autres ports ouverts du Japon, sans avoir à payer de droit additionnel d’aucune espèce.

Art. 13. Toutes les marchandises importées dans les ports ouverts du Japon par des sujets français, et qui auraient payé les droits fixés par ce Traité, pourront être transportées par les Japonais dans toutes les parties de l’empire, sans avoir à payer aucune taxe, ni aucun droit de transit, de régie ou de toute autre nature.

Art. 14. Toute monnaie étrangère aura cours au Japon, et passera pour la valeur de son poids, comparé à celui de la monnaie japonaise analogue.

Les sujets français et japonais pourront librement faire usage des monnaies japonaises ou étrangères dans tous les payements qu’ils auraient à se faire réciproquement.

Comme il s’éooulera quelque temps jusqu’au moment où le Gouvernement japonais connaîtra exactement la valeur des monnaies étrangères, les autorités japonaises compétentes founiront aux sujets français, pendant l’année qui suivra l’ouverture de chaque port, de la monnaie japonaise en échange, à poids égal et de même nature que celle qu’ils leur donneront, et sans avoir à payer de prime pour le nouveau monnayage.

Les monnaies japonaises de toute espèce, à l’exception de celle de cuivre, pourront être exportées du Japon, aussi bien que l’or et l’argent étrangers non monnayés.

Art. 15. Si les chefs de la douane japonaise n’étaient pas satisfaits de l’évaluation donnée par les négociants à quelques-unes de leurs marchandises, ces fonctionnaires pourraient en estimer le prix, et offrir de les acheter au taux ainsi fixé. Si le propriétaire refusait d’accepter l’offre qui lui aurait été faite, il aurait à payer aux autorités supérieures de la douane les droits proportionnels à cette estimation. Si au contraire l’offre était acceptée, la valeur offerte serait immédiatement payée au négociant sans escompte ni rabais.

Art. 16. Si un bâtiment français venait à naufrager ou à être jeté sur les côtes de l’empire du Japon, ou s’il était forcé de chercher un refuge dans quelque port des domaines de Sa Majesté l’Empereur du Japon, les autorités japonaises compétentes, ayant connaissance du fait, donneraient immédiatement à ce bâtiment toute l’assistance possible. Les personnes du bord seraient traitées avec bienveillance, et on leur fournirait, si cela était nécessaire, les moyens de se rendre au consulat français le plus voisin.

Art. 17. Des fournitures à l’usage des bâtiments de guerre français pourront être débarquées à Kangaoua, à Hacodadi et à Nagasaki, et placées en magasins à terre, sous la garde d’un employé du Gouvernement français, sans avoir à payer de droits ; mais si ces fournitures étaient vendues à des Japonais ou à des étrangers, l’acquéreur payerait, aux autorités japonaises compétentes la valeur des droits qui y seraient applicables.

Art. 18. Si quelque Japonais venait à ne pas payer ce qu’il doit à des sujets français, ou s’il se cachait frauduleusement, les autorités japonaises compétentes feraient tout ce qui dépendrait d’elles pour le traduire en justice et pour obtenir de lui le payement de sa dette ; et si quelque sujet français se cachait frauduleusement, ou manquait à payer ses dettes à un Japonais, les autorités françaises feraient de même tout ce qui dépendraient d’elles pour amener le délinquant en justice et le forcer à payer ce qu’il devrait.

Ni les autorités françaises ni les autorités japonaises ne seront responsables du payement de dettes contractées par des sujets français ou japonais.

Art. 19. Il est expressément stipulé que le Gouvernement français et ses sujets jouiront librement, à dater du jour où le présent Traité sera mis en vigueur, de tous les privilèges, immunités et avantages qui ont été ou qui seraient garantis à l’avenir, par Sa Majesté l’Empereur du Japon, au Gouvernement ou aux sujets de toute autre nation.

Art. 20. Il est également convenu que chacune des deux Hautes Parties contractantes pourra, après en avoir prévenu l’autre une année d’avance, à dater du 15 août 1872, ou après cette époque, demander la révision du présent Traité pour y faire les modifications ou y insérer les amendements que l’expérience aurait démontrés nécessaires.

Art. 21. Toute communication officielle adressée par l’agent diplomatique de Sa Majesté l’Empereur des Français aux autorités japonaises sera dorénavant écrite en français. Cependant, pour faciliter la prompte expédition des affaires, ces communications, ainsi que celles des consuls de France au Japon, seront, pendant une période de cinq années, à dater de la signature du présent Traité, accompagnées d’une traduction japonaise.

Art. 22 et dernier. Le présent Traité de paix, d’amitié et de commerce sera ratifié par Sa Majesté l’Empereur des Français et par Sa Majesté l’Empereur du Japon, et l’échange de ces ratifications aura lieu à Yedo, dans l’année qui suivra le jour de la signature.

Il est convenu entre les Hautes Parties contractantes qu’au moment ou le Traité sera signé, le plénipotentiaire français remettra aux plénipotentiaires japonais deux textes en français du présent Traité, comme, de leur côté, les plénipotentiaires japonais en remettront au plénipotentiaire de France deux textes en japonais. Ces quatre documents ont le même sens et la même portée ; mais, pour plus de précision, il a été convenu qu’il serait annexé à chacun d’eux une version en langue hollandaise, qui en serait la traduction exacte, attendu que, de part et d’autre, cette langue peut être facilement comprise, et il est également convenu que, dans le cas où une interprétation différente serait donnée au même article français et japonais, ce serait alors la version hollandaise qui ferait foi.

Il est aussi convenu que la version hollandaise ne différera, en aucune manière, quant au fond, des textes hollandais qui font partie des Traités conclus récemment par le Japon avec les États-Unis d’Amérique, l’Angleterre et la Russie.

Dans le cas où l’échange des ratifications n’aurait pas eu lieu avant le 15 août 1859, le présent Traité n’en serait pas moins mis à exécution à dater de ce jour-là.

En foi de quoi, les plénipotentiaires respectifs ont signé le présent Traité et y ont apposé leurs cachets.

Fait à Yedo, le 9 octobre 1858, correspondant au troisième jour du neuvième mois de la cinquième année du Nengo-Anchei, dite l’année du Cheval.

(L. S.) Signé : Baron GROS.
(Les signatures des six plénipotentiaires japonais.)

RÈGLEMENTS COMMERCIAUX.

PREMIER RÈGLEMENT.

Dans les quarante-huit heures qui suivront l’arrivée d’un bâtiment français dans l’un des ports japonais ouverts au commerce français, le capitaine ou le commandant de ce bâtiment remettra à la douane japonaise le reçu du consul de France, qui prouvera qu’on a déposé chez lui tous les papiers du bord, les connaissements, etc., et le capitaine ou le commandant annoncera alors l’entrée de son navire en douane, en remettant une déclaration écrite qui fera connaître le nom du navire et celui du port d’où il provient, son tonnage, le nom de son capitaine ou commandant, le nom des passagers, s’il y en a, et le nombre de personnes qui composent son équipage. Cette déclaration sera certifiée véritable par le capitaine ou le commandant, et sera signée par lui. Il déposera en même temps un manifeste de son chargement, indiquant le nombre et la marque des colis qui le composent, leur contenu tel qu’il est détaillé dans les connaissements, avec le nom de la personne ou des personnes auxquelles ces colis sont adressés. Une liste des provisions du bord sera jointe au manifeste. Le capitaine ou le commandant certifiera que ce manifeste contient la description exacte de toute la cargaison et des provisions du bâtiment, et le signera de son nom. Si une erreur est reconnue comme ayant été commise dans le manifeste, elle pourra être corrigée dans les vingt-quatre heures (dimanches exceptés), sans qu’elle puisse donner lieu au payement d’aucune amende ; mais si une altération ou une déclaration tardive dans le manifeste était faite après ce laps de temps, une amende de quatre-vingt-un francs serait imposée au délinquant.

Toutes les marchandises non déclarées dans le manifeste payeront un double droit au moment de leur débarquement.

Tout capitaine ou commandant de bâtiment marchand français qui négligerait de déclarer l’entrée de son navire en douane japonaise dans le temps prescrit par ce règlement payera une amende de trois cent vingt-quatre francs par chaque jour de retard apporté à la déclaration à faire.

DEUXIÈME RÈGLEMENT.

La douane japonaise aura le droit de placer ses employés à bord de tout bâtiment entré dans le port (les navires de guerre exceptés).

Tous ces employés de la douane seront traités avec égard, et toutes les facilités qu’on pourra leur accorder leur seront données.

Aucune marchandise ne sera débarquée avant le lever du soleil, ni après son coucher, sans une permission spéciale des autorités de la douane, et la cale et les autres issues du bâtiment qui mènent au lieu où se trouve renfermée la cargaison seront gardées par les officiers japonais pendant les heures comprises entre le coucher et le lever du soleil, au moyen de scellés, de serrures ou d’autres fermetures ; et si, sans en avoir la permission, quelque individu ouvrait l’une de ou issues qui auraient été fermées, ou brisait les scellés, les serrures ou les autres fermetures apposées par les employés de la douane japonaise, il serait passible d’une amende de trois cent vingt-quatre francs pour chaque infraction.

Toutes les marchandises qui seraient débarquées d’un bâtiment sans avoir été légalement déclarées à la douane japonaise, ainsi qu’il est dit ci-dessus, seraient confisquées après enquête et preuve acquise.

Les colis de marchandises disposées avec l’intention de frauder le revenu du Japon, en cachant des articles de valeur qui ne seraient pas déclarés dans le manifeste d’entrée, seront confisqués.

Si quelque bâtiment français faisait la contrebande ou cherchait à introduire des marchandises dans les ports du Japon qui sont encore fermés, ces marchandises seraient confisquées au profit du Gouvernement japonais, et le bâtiment serait imposé à une amende de cinq mille quatre cents francs pour chaque contravention.

Les bâtiments qui auraient besoin de réparations pourront, à cet effet, débarquer leur cargaison sans avoir à payer aucun droit. Toutes les marchandises ainsi débarquées seraient placées sous la garde des autorités japonaises, et toutes les dépenses à faire pour magasinage, travaux et surveillance seraient payées. Mais si une partie de cette cargaison était vendue, les droits légaux devraient être payés pour la partie dont on aurait disposé.

Les cargaisons pourront être transbordées dans un autre bâtiment mouillé dans le même port sans avoir à payer aucun droit ; mais tout transbordement devra étre fait sous la surveillance des employés japonais, et après que les autorités de la douane auront acquis la preuve de la bonne foi de la transaction, et lorsque ces autorités auront aussi donné la permission d’opérer le transbordement.

L’importation de l’opium étant prohibée, tout bâtiment français arrivant au Japon pour y faire le commerce, et ayant plus de trois catties d’opium à bord, pourra voir le surplus de cette quantité confisqué et détruit par les autorités japonaises, et tout individu faisant ou essayant de la contrebande d’opium sera passible d’une amende de quatre-vingt-un francs pour chaque cattie d’opium entré ainsi en contrebande.

TROISIÈME RÈGLEMENT.

Le propriétaire ou le consignataire de marchandises qui voudrait les débarquer en fera la déclaration à la douane japonaise. Cette déclaration sera écrite et contiendra le nom de la personne qui fera l’introduction et celui du bâtiment où se trouvent les marchandises, ainsi que le nombre et la marque des colis. Le contenu et la valeur de chaque colis seront constatés séparément sur la même feuille, et à la fin de la déclaration on additionnera la valeur de toutes les marchandises qui composeront l’entrée en douane. Sur chaque déclaration, le propriétaire ou le consignataire certifiera par écrit qu’elle contient la valeur actuelle des marchandises, et que rien n’a été dissimulé pour nuire à la douane japonaise. Le propriétaire ou le consignataire signera ce certificat. la facture ou les factures des marchandises ainsi introduites seront présentées aux autorités de la douane, et resteront entre leurs mains jusqu’à ce que ces autorités aient examiné les marchandises mentionnées dans la déclaration. Les employés japonais pourront vérifier un ou plusieurs de ces colis ainsi déclarés, et à cet effet ils les feront transporter à la douane, s’ils le veulent ; mais cette visite ne devra causer aucune dépense à l’introducteur, ni porter préjudice aux marchandises, et après leur examen les Japonais replaceront ces marchandises dans les colis, et autant que possible dans l’état où elles se trouvaient primitivement. Cette visite devra être faite sans perte de temps.

Si quelque propriétaire ou introducteur de marchandises s’apercevait qu’elles ont été avariées pendant le voyage d’importation, avant qu’elles lui aient été délivrées, il pourra notifier aux autorités de la douane les avaries survenues, et ces marchandises avariées seront évaluées par deux ou par plusieurs personnes compétentes et désintéressées, qui, aprés mûr examen, délivreront un certificat faisant connaître le montant à tant pour cent des avaries éprouvées dans chaque colis séparément, en le décrivant par ses marques et numéros. Ce certificat sera signé par les experts en présence des employés de la douane, et l’introducteur annexera ce certificat à son manifeste en y faisant les réductions convenables ; mais ce fait n’empêchera pas les employés de la douane de s’approprier ces marchandises selon les formes indiquées dans l’article 15 du présent Traité, auquel ces règlements sont annexés.

Lorsque les droits auront été payés, le propriétaire recevra l’autorisation de reprendre ses marchandises, soit qu’elles se trouvent à la douane, soit qu’elles n’aient pas quitté le bord.

Toutes les marchandises destinées à être exportées seront par les douanes japonaises avant d’être transportées à bord. La déclaration d’entrée sera faite par écrit et contiendra le nom du bâtiment sur lequel elles devront être exportées, avec le nombre des colis, leur marque et la déclaration de la valeur de leur contenu. La personne qui exportera ces marchandises certifiera par écrit que sa déclaration est un exposé sincère de toutes les marchandises dont elle fait mention, et elle la signera.

Toutes les marchandises qui seraient embarquées à bord d’un bâtiment pour être exportées avant d’avoir passé par la douane, et tous les colis qui contiendraient des articles prohibés, seront saisis par le Gouvernement japonais.

Il ne sera pas nécessaire de faire passer en douane les provisions destinées à l’usage des bâtiments français, de leurs équipages et de leurs passagers, ni les effets d’habillement des passagers.

QUATRIÈME RÈGLEMENT.

Les bâtiments français qui voudront être expédiés par la douane la préviendront vingt-quatre heures d’avance, et, à l’expiration de ce terme, ils auront le droit de recevoir leurs expéditions ; mais si elles leur étaient refusées par la douane, les employés de cette administration devraient immédiatement en informer le capitaine ou le consignataire du bâtiment, et lui faire connaître les raisons de ce refus ; ils feront la même déclaration au consul.

Les navires de guerre français pourront librement entrer dans le port et en sortir sans avoir à présenter de manifeste. Les employés de la douane et de la police n’auront pas le droit de visiter ces bâtiments. Quant aux navires français qui porteraient les malles, ils devront entrer en douane et y être expédiés le même jour, et ils n’auront à présenter de manifeste que pour les passagers et les marchandises qu’ils auraient à débarquer.

Les baleiniers français relâchant pour avoir des provisions, et les bâtiments français en détresse, ne seront pas tenus de fournir un manifeste de leur cargaison ; mais, s’ils veulent plus tard faire le commerce, ils auront à en donner un en observant les formalités prescrites par le premier règlement.

Le mot bâtiment, quelle que soit la place qu’il occupe dans ce Traité et dans son annexe, signifiera toujours navire, trois-mâts, barque, brick, goélette, sloop ou bâtiment à vapeur.

CINQUIÈME RÈGLEMENT.

Tout individu qui signerait une fausse déclaration ou un faux certificat dans l’intention de frauder le revenu du Japon payera une amende de six cent soixante et quinze francs pour chacune des infractions qu’il aurait commises.

SIXIÈME RÈGLEMENT.

Aucun droit de tonnage ne sera perçu sur les bâtiments français dans les ports du Japon ; mais les taxes suivantes seront payées par eux à la douane japonaise :

Pour l’entrée d’un bâtiment, quatre-vingt-un francs ;

Pour l’expédition d’un bâtiment, trente-sept francs quatre-vingts centimes ;

Pour chaque permis délivré, pour chaque bulletin de santé, pour tout autre document, huit francs dix centimes.

SEPTIÈME RÈGLEMENT.

Les droits à payer au Gouvernement japonais sur toutes les marchandises débarquées dans le pays le seront conformément au tarif suivant :

Première classe

Tous les articles contenus dans cette classe seront libres de droits :

L’or et l’argent monnayés ou non, les vêtements de toute sorte en usage dans le moment, les ustensiles de ménage et les livres imprimés non destinés à être vendus, mais étant la propriété de personnes venant résider au Japon.

Deuxième classe

Un droit de cinq pour cent sera payé sur les articles suivants :

Tous les matériaux employés à la construction, au gréement, aux réparations ou à l’équipement des bâtiments.

Les apparaux de toute espèce pour la pêche de la baleine, les provisions salées de toute sorte, le pain et ses analogues, les animaux vivants de toute espèce, le charbon, les bois de construction pour maisons, le riz, le millet, les machines à vapeur, le zinc, le plomb, l’étain, la soie écrue, les étoffes de coton et de laine.

Troisième classe

Un droit de trente-cinq pour cent sera payé sur toutes les liqueurs enivrantes, soit qu’elles aient été préparées par distillation, par fermentation ou de toute autre manière.

Quatrième classe

Toutes les marchandises non comprises dans les classes précédentes payeront un droit de vingt pour cent.

Tous les articles de production japonaise seront exportés comme chargement, payeront un droit de cinq pour cent, à l’exception de l’or et de l’argent monnayés et du cuivre en barre.

Le riz et le blé récoltés au Japon ne seront pas exportés comme chargement ; mais tous les sujets français résidant au Japon, et les bâtiments français pour leurs équipages et pour leurs passagers, pourront recevoir une provision suffisante de ces denrées.

Les grains étrangers apportés dans l’un des ports ouverts du Japon par un bâtiment français, pourront être exportés sans obstacle, s’ils n’ont pas été en partie débarqués.

Le Gouvernement japonais vendra de temps à autre aux enchères publiques une certaine quantité de cuivre formant l’excédant de ses exploitations.

Cinq années après l’ouverture du port de Kanagaoua, les droits d’importation et d’exportation pourront être modifiés, si l’un ou l’autre des deux Gouvernements de France et du Japon le désire.

Fait à Yedo, en quatre expéditions, le 9 octobre 1858, correspondant au troisième jour du neuvième mois de la cinquième année de Nengo Anchei, dite l’année du Cheval.

(L. S.) Signé : Baron Gros.
(Signature des six plénipotentiaires japonais.)