Odes (Horace, Mondot)/1

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Traduction par Jacques Mondot.
Poncelet (p. 1-3).
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LE PREMIER LIVRE
des Odes de Q.Horace
FI. traduit du Latin, en
vers François.

À SON MECENE.

Que chacun ſuit ſa fantaſie, &
qu’il prend plaiſir aux vers
Liriques.

ode I.

Mon Mœcene, du ſacré Tige
Yſſu des Roys, qui pour veſtige,
De leur nom, t’ont fait glorieux,
Rejetõ de la viue plãte
Des Étruſques, cil que ie chante,
Et d’où s’eſcoule tout mon mieux.

C’eſt à pluſieurs la vraye ſource
De leur bonheur auoir la cource,
Parmy l’Olimpe ſablonneux :
Et après d’vne aiſle legere
(Ayant animé la pouſſiere)
S’aller loger au rang des Dieux.

Si la fameuſe troupe ordonne
Des Quirins la triple couronne,
(Ombrageant le front de laurier)
De celuy, qui fendant la terre,
Vne riche moiſſon enſerre
Au plus profond de ſon grenier.


Et ſi le fer de ſa charrue,
Contre Ceres ſouvent ſe rue,
Deſireux du gain de ſon fruit :
Il n’eſt beſoin changer de voye,
Pour la conqueſte d’autre proye,
Ains ſuivre celle qui le ſuit.

Il n’eſt beſoin que la richeſſe
De ce Roy de Pergame, opreſſe
Son cœur, ny ſon affection :
Ny qu’il ſ’ẽferme au creux de l’onde,
De Mirthoé la mer profonde,
Paſle de crainte, & paſſion.

Le Marchand, redoutant l’orage,
Qui haleine ſur le rivage,
Et qui fait rouler à grands bonds
Les flots, & les ondes d’Ægee :
Souſpire ſa terre eſtrangee,
Et l’eſloignement de ſon fonds.

Et bien que l’horreur de l’orage,
Luy apreſte ja ſon naufrage :
Voyant tout autour boüillonner,
Courageux, & hardi, fait teſte
Aux vents, à la fiere tempeſte,
Et ne ceſſe de ſillonner.

Les vns dés leur ieuneſſe priſent
Le vin, & les jeux qu’ils eſliſent,
Pour donner tréve à leurs deſirs :
Maintenant ſous vn verd ombrage,
Tantoſt ſur le bord d’vn rivage
Ils s’en vont cueillir leurs plaiſirs.

Pluſieurs ſe plaiſent des armees
Suiuir les troupes animees,
À leurs meres pleines d’horreur
Au ſon du Cleron qui enflame

De deſir, & d’enuie l’Ame,
Et de hardieſſe leur cœur.

Le chaſſeur ſous le Ciel qui glace,
Oubliant la beauté, la grace,
De ſa douce moitié : touſiours
Attend que la beſte ſauuage
Se vienne rendre en ſon cordage,
Entrelaſſé de mille tours.

Le beau lierre que ie porte
Sur le front, luit en telle ſorte,
Qu’il me rẽd tout sẽblable aux dieux :
Les Nimphes des eaux, le bocage,
La troupe des Faunes ſauuage
Me retire des communs lieux.

Si la fluſte, que l’on admire
D’Euterpe, ou la plaiſante Lire
De Polimnie, eſpand ſon miel,
Mecene, ſi par toy i’ay place
Entre les Liriques : leur trace
Ie pourſuiuray iuſques au Ciel.