Odes (Horace, Mondot)/16

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Traduction par Jacques Mondot.
Poncelet (p. 35-37).
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À sa maistresse la priant l’excuser
des iniures qu’il luy a faites.

ODE XVI.


MA douceur, fîlle qui surpasses
Les riches beautez, & les graces
Et de ta mere, & de Cypris
Quand feras tu taire ma muse,
Qui en te reprenant amuse
Sa voix, son vers, & ses escrits ?

I’ay eu long temps l’ame captiue
D’vne flamme de feu, si viue
Qu’elle surpassoit d’Apollon,
La collere chaude-flambante,
Ou la fureur d’vn Corybante
Tant auois ie le cœur fellon.

Le feu, le fer, l’eau, ny la foudre,
Ne pouuoyent, ce mien feu, resoudre,
Ny moins mon courage appaiser,
Ie vouIois, sentant sa pointure,
(Errant tousiours à l’auenture)
Plus fort mon couroux attiser.

L’autheur de ceste mienne rage,
C’estoit Promethé, qu’vn orage,
Dans mon flanc me vint enfermer.
D’vn Lyon au cœur il me plante
La fureur, qui tant me tourmante,
Et que me fait d’ire escumer.

Le courroux, la fiere arrogance,
Thyeste mist en decadence.
Les murs des plus grandes citez
D’vn bruit esclatant trebucherent
Quand mille dards, se descocherent
Au blanc de leurs fellicitez.

Pardonne ma folle ieunesse
Qui mutina mon hardiesse,
Car ie ne veux chanter que ris,

Las, pourueu que ie puisse encore
Me reuoir (ma luisante aurore)
Au nombre de tes fauoris.