Odes (Horace, Mondot)/17

La bibliothèque libre.
Traduction par Jacques Mondot.
Poncelet (p. 37-39).
◄  XVI
XVIII  ►

À TINDARIDE.
l’invitant à venir viure & mourir auec luy.

ODE XVII.


LE Faune inconstant & volage,
Meine son ramassé troupeau,
Tout au plus haut, prés du nuage
Du Lucrétilien coupeau,

De lycee il change la trace
Pour cercher les lieux ombrageux
Hors da là, sa cheure il desplace
Pour fuir les vents outrageux.

Permy la forest verdissante
Elle va pourchasser sa fleur,
Et par tout le taillis errante
Brotter sur la verte couleur.

D’vn Arbosierin fueillage,
Qui ne fait encor’que saillir
Elle se paist, & son courage
Ne vient le coleuure assaillir.


Des belliers les puantes troupes
Que le berger de mille coups
Chasse sur les plus hautes croupes
Des monts, ne redoutent les loups
Comme le Dieu, du cois boucage
Pipant lair d’vn gracieux son,
Le rocher le vallon sauuage
Contraint respondre à sa chanson.

Les dieux benings & debonnaires
Prenant à gré ma pieté
Parmy ses lieux tant solitaires
Me garderont, de leur fierté.
I’ay la Muse qui tient suiette
Mon ame en ses douces rigueurs,
Prodigue ainsin que Cerez gette
Au temps doré mille faueurs.

Souz le reply de ses Cauernes
Où ie loge par ces deserts,
Ah ! si par moy tu te gouuernes
Vien-ten habiter ses rochers,
Tu ne sentiras point les flammes
De l’astre flamme-vomissant,
Cy tu chanteras de deux Dames
Le cueur en amour gemissant.

Au vert tapis de quelque herbete
Tu endormiras tes desirs,
Puis boiras d’vne longue traitte
Au vin succré mille plaisirs.
Là Bacchus, le Dieu Thionee,
Ne voudra mesler en ses jeux

La troupe aux combatz obstinee
Son fer ny ses coups outrageux.

Tu ne craindras, ma Tyndaride,
Celuy qui en est enuieux,
Il a le cueur de force vuide
Pour se presenter à tes yeux,
Il n’oseroit de ta courtine
La perleuse beauté toucher,
Ny l’esmail ton corps qu’illumine
De sa main craintiue aprocher.