Odes (Horace, Mondot)/18

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Traduction par Jacques Mondot.
Poncelet (p. 39-40).
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À VARE.
Que le vin resiouit quelque fois,
& quelque fois nuit.

ODE XVIII.


TV ne dois anter sur la plaine
Qu’vn doux raisineux arbrisseau
Où le Tybre épanchant son eau
Souuent s’égaye & se pourmaine.

Les dieux cõtre ceux se courroucẽt
Qui ne cherissent le bon vin,
Le remede le plus diuin,
Pour chasser les maux qui no’poussẽt

Ayant bien beu qui veut reprendre
Le dur fardeau de pauureté,
Ou bien de Mauorts la fierté
Qui nous contraint les armes prẽdre ?

Qui en reserrant la misere
Dans la nuict d’vn pouldreux tõbeau,
Plus-tost Venus d’vn ton nouueau
Ne chante, ou toy Bacchus grãd pere ?


Parmy les rougissantes tasses
Afin de ne passer le bort
De raison, Tu as le discort
Des Centaures, Et leurs menasses,
 
L’esprit Cythonien Auide
Des yuronnes en suit la loy,
Bacchus comme leur prince & Roy
À la sobrieté les guide.

Bassar qui portes l’ame sainte
Dans le costé, ie ne veux pas
Esbranler tes ieux tes esbas
Puis que les dieux l’ont là contrainte,

De publier, Ah ! ie n’ay garde
Ny tes hauts secrets faire ouyr,
Desquels heureux tu peus iouyr,
Tant sur toy le Ciel son œil darde.
 
Retiens d’vne braue hardiesse
Ton Bedon,& tes ieux qui font
Noircir le iugement au front
Du vin, à la fumee éspesse.

Ce n’est plus qu’vne image peinte
Quand l’hõme en tes lacs se sent pris
Il a (d’vn propre amour espris)
Souz le tais la raison étainte.

Sa voix encor, que begaiante
Ne sachant ses secretz tenir
Serrez au clos du souuenir,
On l’oit par tout folle abainte.