Odes (Horace, Mondot)/3

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Traduction par Jacques Mondot.
Poncelet (p. 7-9).
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ODE III.

PVis qu’au vouloir de l’orage,
Et des flots qu’on void retords
En cent plis : tu mets ton corps
Deſſus le marin riuage

Ie prie celle qui nouë
Ceſte eau, la belle Cipris
Et le Pere au menton gris
Éole guider ta prouë.

Ie ſuplie auſſi d’Heleine
Les freres aſtres iumeaux
Te conduire ſur les eaux.
Hors de naufrage & de peine.

Et toy Nauire qui flottes
Et qui vas fonde eſcumer
Et fendre deſſus la mer
De Triton les vielles coſtes.

Soigneux ie te pry’regarde
De rendre gay ſur le bor d
D’où iay ma vie & ma mort,
Maro, que tu prends en garde.


Cil auoit diamantine
L’ame, & d’vn rocher le cœur,
Qui fut premier le vainqueur
Par rames de la marine.

Quel dard de celle qui coupe
Noz ans, noz iours au milieu
A craint ce grand demi-Dieu
Des monſtres voyant la troupe.

Nager horrible ſur l’onde
Et regardant de ſon œil
Remply & enflé d’orgueil
Les monts la fierté du monde ?

En vain Dieu voulut la terre
Dc l’Ocean ſeparer
Si l’homme choiſit la mer
Et dans ſes vagues s’enſerre.

On ne craint aucun martire
Pour enſuivre vn fol deſir,
Au mal nous prenons plaiſir
Où la volupté nous tire.

Ainſi à la race humaine
Ayant offert le brandon,
Et le feu du Ciel pour don,
Promethé porta ſa peine.


Aprés que ceſte eſtincelle
Fut rauie hors de ſon lieu,
Iupin le plus puiſſant Dieu
Puniſt la troupe nouuelle.

Le Ciel lors ſon ire enuoye
Pour ſe vanger de nos maux
À mille diuers troupeaux
D’ennuys, ils nous miſt en proye.

Et la mort qui ne ſommeille,
Nous guettant, double ſes pas :
Pour nous fermer au treſpas
Son dard cruel elle eſueille.

Quand Dedale voulut fendre
Ce Ciel, d’vn ſuperbe vol,
Comme temeraire & fol
Des Dieux l’ire il peut apprendre.

Le trauail d HercuI’, l’audace
De ſon cœur, print les enfers :
 Rien n’eſt en ceſt vniuers
 Que l’homme mortel ne braſſe.

 L’homme toutes choſes dompte,
 Seul en prenant ſes eſbats
 Par folie, du plus bas
 Au plus hault des cieux il monte.

 Mais quoy ? las ! chetiue poudre
 Nous faiſons par nos mesfaits
 (De nos malheurs les attraits)
 Sur nous s eſlancer la foudre.