Page:À la recherche du temps perdu édition 1919 tome 2.djvu/96

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rière la leur dont il attendait le départ pour faire monter Odette dans la sienne.

— Odette, nous vous ramenons, dit Mme Verdurin, nous avons une petite place pour vous à côté de M. de Forcheville.

— Oui, Madame, répondit Odette.

— Comment, mais je croyais que je vous reconduisais, s’écria Swann, disant sans dissimulation les mots nécessaires, car la portière était ouverte, les secondes étaient comptées, et il ne pouvait rentrer sans elle dans l’état où il était.

— Mais Mme Verdurin m’a demandé…

— Voyons, vous pouvez bien revenir seul, nous vous l’avons laissée assez de fois, dit Mme Verdurin.

— Mais c’est que j’avais une chose importante à dire à Madame.

— Eh bien ! vous la lui écrirez…

— Adieu, lui dit Odette en lui tendant la main.

Il essaya de sourire, mais il avait l’air atterré.

— As-tu vu les façons que Swann se permet maintenant avec nous ? dit Mme Verdurin à son mari quand ils furent rentrés. J’ai cru qu’il allait me manger, parce que nous ramenions Odette. C’est d’une inconvenance, vraiment ! Alors, qu’il dise tout de suite que nous tenons une maison de rendez-vous ! Je ne comprends pas qu’Odette supporte des manières pareilles. Il a absolument l’air de dire : vous m’appartenez. Je dirai ma manière de penser à Odette, j’espère qu’elle comprendra.

Et elle ajouta encore un instant après, avec colère :

— Non, mais voyez-vous, cette sale bête ! employant sans s’en rendre compte, et peut-être en obéissant au même besoin obscur de se justifier — comme Françoise à Combray quand le poulet ne voulait pas mourir — les mots qu’arrachent