Page:Élisée Reclus - Évolution et révolution, 1891.djvu/50

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vanent sous la coupole de l’Institut, quand un des leurs, devenu mouchard, a fleuri de palmes vertes son habit à la française. La croix de la légion d’honneur était leur risée, ils en ont inventé de nouvelles, jaunes, vertes, bleues, multicolores. Ce que l’on appelle la République ouvre toutes grandes les portes de son bercail à ceux qui en abhorrent jusqu’au nom, hérauts du droit divin, chantres du Syllabus, pourquoi ceux-ci n’entreraient-ils pas ? Ne sont-ils pas chez eux au milieu de tous ces parvenus qui les entourent chapeau bas ?

Mais il ne s’agit point ici de critiquer et de juger ceux qui par une lente corruption ou par de brusques soubresauts ont passé du culte de la sainte République à celui du pouvoir et des abus sacro-saints ! Dès leur point de départ, la carrière qu’ils ont suivie est précisément celle qu’ils devaient parcourir. Ils admettaient tous que la société doit être constituée en État ayant son chef et ses législateurs ; tous avaient la « noble » ambition de servir leur pays et de se « dévouer » sa prospérité et à sa gloire. Ils acceptaient le principe, les conséquences s’en suivent. République et républicains sont devenus la triste chose que nous voyons ; et pourquoi nous en irriterions-nous ? C’est une loi de nature que l’arbre porte son fruit, que tout gouvernement fleurisse et fructifie en caprices, en tyrannie, en usure, en scélératesses, en meurtres et en malheurs.

C’est chimère d’attendre que l’Anarchie, idéal humain, puisse sortir de la République, forme gouvernementale. Les deux évolutions se font en sens inverse, et le changement ne peut s’accomplir que par une rupture brusque, c’est-à-dire par une révolution. Mais n’y a-t-il pas aussi des so-