Page:Émile Faguet - L'Art de lire.djvu/55

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indiqués. À tout autre, je ne serais pas de votre avis.

Ce que j’en dis, du reste, n’est que pour insister sur l’avantage de cette méthode qui consiste à se représenter les mouvements et les attitudes des acteurs et reconstituer l’action. On ne doit pas lire un drame autrement, et il me semble qu’en vérité on ne le peut pas.

J’ai vu représenter le commencement d’Athalie de la façon suivante : Abner apparaît à gauche, Joad apparaît à droite, reconnaît de loin Abner, lui fait un geste qui veut dire : « Ah ! c’est vous ! Je suis heureux de vous voir ici ». Abner lui répond : « Oui, je viens dans son temple adorer l’Éternel. »

C’est assez théâtral ; sans doute ; car, à montrer les deux personnages comme continuant une conversation commencée, on est forcé de les faire apparaître sortant de la coulisse ensemble, côte à côte, pour ainsi dire presque bras dessus bras dessous et cela est un peu bourgeois. Donc il faut faire comme je viens de dire qu’on fait.

Peut-être ; mais il me semble que jamais la lecture ne donnerait l’idée de cette façon de présenter les choses. « Oui », est une réponse à une parole et non pas à un geste. Pour qu’Abner dise « oui », il faut que Joad ait parlé. Joad, traversant le théâtre pour venir au-devant d’Abner, doit parler, doit avoir parlé pour qu’on lui réponde « oui », et, ne provoquant ce « oui » que par un geste, est un peu étrange et il semble avoir une extinction de voix ; ou semble être