Page:Émile Faguet - L'Art de lire.djvu/67

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cisément il faut comprendre, qu’il y a pour un auteur et qu’il y a réellement, plusieurs vérités, vérité d’enthousiasme, vérité d’amour, vérité de raison, et que, par ainsi, plusieurs personnages peuvent discuter, disputer et se torturer dans le sein même de la vérité. La raison de Corneille est avec Sévère, son cœur avec Pauline, sa foi avec Polyeucte ; les meilleures parties de lui sont partout répandues dans cette pièce et, par parenthèse, c’est une des raisons pourquoi cette pièce est si admirable.

Mais, retenons ceci : c’est l’accent qui est révélateur de ce qu’un auteur dramatique met de lui-même dans un ouvrage dramatique. Encore que ce soit l’essentielle qualité du dramatiste de se transformer en les personnages les plus différents et de vivre en eux ; encore que le dramatiste ne soit rien s’il n’est pas objectif, cependant le subjectif reste et c’est à l’accent que le subjectif se reconnaît.

Quand un personnage touche au lyrisme, doutez peu que ce ne soit l’auteur qui parle. Le lyrisme n’est pas tout entier littérature personnelle, mais il y a toujours quelque littérature personnelle dans le lyrisme.

On voit qu’une des plus vives jouissances de réflexion dans la lecture des poètes dramatiques est de reconnaître ce qu’ils mettent eux-mêmes dans leurs œuvres. On voit aussi que cette recherche est difficile et qu’il n’y manque pas de chances de se tromper ; ce n’est qu’une raison de plus pour la