Page:Érasme, Bonneau - La Civilité puérile, 1877.djvu/79

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le maintien et la beauté de tout le corps ; au contraire, des gestes réguliers et naturels donnent la grâce ; ils n'enlèvent pas les défauts, mais ils les masquent et les atténuent. Il est indécent de regarder en ouvrant un œil et en fermant l'autre ; qu'est-ce, en effet, autre chose que se rendre borgne à plaisir ? Laissons cela aux thons et à certains artisans[1].

Les sourcils doivent être étendus naturellement et non pas froncés, ce qui est signe de méchanceté ; ni relevés, ce qui indique de l'arrogance ; ni abaissés sur les yeux, ce qui indique de mauvaises pensées.

Que le front soit riant et uni, indice d'une bonne conscience et d'un esprit

  1. Ce rapprochement des thons et de certains artisans est assez bizarre. Erasme fait sans doute allusion aux menuisiers, qui ferment un œil pour voir si la planche qu'ils ont rabotée est droite. J.B. de La Salle, en imitant ce passage, a été pris d'un singulier scrupule. Craignant de ridiculiser leurs parents aux yeux des enfants des écoles chrétiennes, presque tous fils d'artisans, il s'est imaginé de dire : «C'est contre faire le borgne, ce qui appartient aux arbalétriers et aux harquebuziers». Quant à la particularité du thon fermant un œil pour mieux voir de l'autre, Erasme l'a observée dans Athénée et dans Aristote beaucoup plus que dans la nature. Mais l'histoire naturelle a été longtemps écrite comme cela.