Page:Érasme - Éloge de la folie.djvu/116

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ments symboliques avec sa vie réelle. Pourra-t-il le faire sans rougir de tout cet appareil, et n’aura-t-il pas à craindre qu’un railleur n’y veuille voir que des oripeaux de théâtre ?

Quant aux courtisans, il ne nous est pas possible de les oublier ; car rien au monde n’est rampant, servile, sot, abject et infatué de soi-même comme cette espèce-là. Sur un seul point, ils font preuve d’une rare modestie : je veux dire qu’ils se contentent d’étaler dans leur parure l’or, les pierres précieuses, la pourpre, insignes de sagesse et de vertu, et qu’ils laissent sans contestation aux autres à pratiquer ces choses. Quel bonheur pour eux de pouvoir dire : le roi mon maître ! Ils se sont fait une science à eux ; faire la courbette, distribuer à propos les altesses sérénissimes, les majestés, les excellences ; se composer un visage imperturbable, où sourit toujours la flatterie, en forment les principaux éléments. Ainsi se résument les talents de messieurs de la cour. Examinez-les d’un peu près ; ils vous paraîtront aussi stupides que les Phéaciens d’Ulysse, aussi crapuleux que les amants de Pénélope. Quant au reste, écoutez l’écho des palais, il en sait plus long que moi.

Un bon courtisan dort jusqu’à midi. Le chapelain mercenaire qui épie son réveil, lui expédie bien vite une messe, qu’il écoute en robe de chambre. Monseigneur déjeune : le dîner suit de près. Ensuite viennent les dés, les échecs, les comédiens, les bouffons, les filles et les folies. Dans les intervalles, on fait collation. Puis c’est le souper, et l’on banquette une partie de la nuit. Voilà comment