Page:Érasme - Éloge de la folie.djvu/120

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de banquiers et de proxénètes ? — J’en pourrais ajouter bien d’autres n’était que je respecte vos oreilles. En somme, cette foule de fonctionnaires si onéreuse…, si honorable, voulais-je dire, pour le saint-siége, serait condamnée à mourir de faim. Ce serait vraiment abominable et impie ; mais le comble ne serait-ce pas de vouloir ramener au bâton et à la besace les chefs de l’Église, ces vrais flambeaux du monde ? Ne redoutons pas pour eux de tels malheurs ; de nos jours, ils laissent à saint Pierre et à saint Paul, qui ont du temps de reste, les peines et les travaux de leur état, se contentant de garder pour eux les honneurs et les plaisirs. Ne craignez rien, je veille sur mes papes, j’émaille leur vie de voluptés et en chasse les soucis. Grâce à moi, ils estiment avoir amplement satisfait au Christ lorsque, sous des ornements mystiques, j’allais dire théâtraux, dans des cérémonies où on leur prodigue les titres de sainteté et de révérence, ils jouent leur rôle d’évêques à grand renfort d’anathèmes et de bénédictions. Pour eux, il y aurait mieux à faire que cela, il y aurait peut-être à renouveler les miracles des apôtres, mais c’est bien usé, et il faut être de son temps ; il y aurait à instruire le peuple, mais c’est si fatigant ; à expliquer les saintes Écritures, mais c’est si pédant ; à prier, mais c’est perdre son temps ; à pleurer, mais c’est bon pour des femmes ; être pauvre, mais c’est vivre en gueux ! Il y aurait bien aussi à céder quelquefois, mais comment se résoudrait-il à le faire, cet homme qui admet à peine les plus grands rois à lui