Page:Érasme - Éloge de la folie.djvu/75

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un larynx de fer, il me serait impossible d’esquisser toutes les nuances de cette folie et d’en rappeler les noms ! C’est qu’en effet, l’existence d’un chrétien, quel qu’il soit, est émaillée de nombre d’extravagances de cette sorte, admises et entretenues avec soin par les prêtres, qui y trouvent sans peine leur profit.

Au milieu de pareilles gens, figurez-vous un fâcheux qui vienne proclamer des maximes dans le goût de celles-ci : « Ta mort sera bonne si ta vie l’a été. — Pour racheter tes péchés, il est nécessaire d’ajouter à ton obole, la haine du mal, le repentir, les veilles, les méditations, les jeûnes, en un mot, de changer complétement ta manière de vivre. — Si tu veux te rendre un saint propice, imite sa vie, il n’y a rien d’autre à faire. » — Comprenez-vous combien de semblables principes troubleraient le bonheur des mortels et amèneraient de perturbations dans les consciences ?

Au même degré de folie que ceux qui précèdent, nous devons placer les individus qui, de leur vivant, règlent avec le plus grand soin les cérémonies de leurs funérailles. Ils ne négligent rien ; le nombre des cierges, des manteaux de deuil, des chantres, des pleureurs ; tout est prévu, comme s’ils devaient jouir en personne de tant de pompe, ou que les morts rougissaient de voir leurs cadavres pauvrement enfouis. On dirait des édiles chargés de préparer des jeux et des festins à leurs concitoyens !

Bien que le temps me presse, je ne puis