Page:Érasme - Éloge de la folie.djvu/95

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de citations, ils parviennent à prouver au vulgaire que rien n’est plus difficile que leur science. Pour eux, ils en mesurent le mérite au mal qu’elle leur donne. On peut ranger dans la même catégorie les dialecticiens et les sophistes, plus bruyants que les chaudrons de Dodone, et dont le moins bavard tiendrait tête à vingt commères de choix. Passe encore s’ils n’étaient que cela, mais ils sont encore querelleurs, au point qu’ils en viennent aux mains pour un fétu de paille, et pendant la lutte la vérité échappe à tous les combattants. Mais quelles puissances d’amour-propre ils se donnent ? Armés de trois syllogismes boiteux, on les voit engager le combat sur n’importe quel terrain avec n’importe quel champion. Leur opiniâtreté les rend invincibles ; ils fatigueraient le larynx de Stentor.

Ici encore se trouve la place des philosophes vénérables surtout par leurs barbes et leurs manteaux. Écoutez-les, ils s’imaginent posséder toute sagesse, le reste des hommes n’existe pas pour eux. Qu’il est délicieux, leur délire, lorsqu’ils créent dans le vide des mondes infinis, quand ils mesurent la lune, les étoiles et les globes avec autant d’aplomb que s’ils les avaient sous leur compas, ou bien encore, quand ils s’expliquent les choses inexplicables de la foudre, du vent, des éclipses et des autres phénomènes naturels ! Et n’allez pas croire qu’ils hésitent ; il semble qu’ils sont dans la confidence des architectes des mondes et qu’ils arrivent en droite ligne de leur conseil. Heureusement la nature se moque bien de leurs hypothèses. D’ailleurs aucune certitude