Page:Œuvres complètes d’Apulée (éd. Garnier), tome 2, 1883.djvu/232

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son indigence réelle, à ses propres yeux d'abord, et ensuite à ceux des autres ; c'est à peine s'il voit s'accomplir quelques-unes de ses espérances, se réaliser quelques uns de ses souhaits, et encore n'est-ce qu'au prix des plus vives alarmes. Bientôt à ces désirs ardents succèdent des fantaisies plus furieuses, et il est à la fois poignardé par les maux qu'il prévoit et bourrelé par le remords du passé qu'il a derrière lui.

Chapitre 19

Les hommes parfaitement vertueux, comme les scélérats consommés, sont du reste en petit nombre : ils sont fort rares, et, pour me servir de ses expressions, on les compte. Mais pour ceux qui ne sont ni tout à fait vertueux ni parfaitement criminels, c'est-à-dire qui sont d'une moralité moyenne, ceux-là constituent la pluralité. Il faut noter toutefois et que les meilleurs de cette catégorie ne marchent pas toujours bien droit, et que les coupables ne commettent pas constamment le mal. Les vices de ces derniers ne sont ni l'excès de la dépravation, ni le résultat d'un désordre et d'une perversité hors de mesure ; ils naissent d'un excès ou d'une défectuosité dans la nature de l'individu. Ceux chez qui il y a matière à estime parfaite comme à éloge restreint, et qui cheminent entre la louange et le blâme, n'ont jamais de mobile certain dans leur conduite. Ils obéiront tantôt à la voix de la raison, proclamée par les hommes