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MONSIEUR LE MARQUIS

admirer à ces messieurs, qui n’ont point l’honneur d’être connus d’elle et qui craindraient de l’importuner.

Madame d’Auray avait ses raisons pour parler ainsi : elle n’était nullement empressée de présenter M. de Marny à sa belle voisine.

— Ma nièce a fait une toilette pour vous, madame, dit la vieille tante, et ce serait la désobliger que de partir sans la voir.

Madame d’Auray sourit avec malice : — En vérité, dit-elle, madame de Pontanges a tort de faire une toilette pour moi, car je suis venue en peignoir et sans façon.

— Oh ! ce n’est pas une grande parure ; ma nièce ne pouvait rester telle qu’elle était ; ce pauvre marquis avait rempli sa robe de confitures, et puis il s’amuse toujours à lui tirer les cheveux, de manière qu’elle est obligée de se faire coiffer trois ou quatre fois par jour. Vraiment, ma nièce est trop bonne de supporter avec tant de patience les caprices de ce crétin.

— Et le bavardage de cette tante ! pensa M. de Marny.

— C’est un ange ! dit le curé.

En cet instant, la porte du salon qui communiquait aux appartements s’ouvrit, et l’on vit entrer la marquise de Pontanges.

— Toujours la même robe ! pensa madame d’Auray en regardant la marquise.

— C’est un port de reine, pensa l’homme de l’Empire.

— C’est absolument la nièce de madame Boullard… j’en reviens toujours à ma ressemblance, pensa l’homme d’argent.

— Oh ! que je la trouve belle ! pensa l’homme positif.


IV.

COMMENCEMENTS.


M. de Marny n’eut qu’un regard à jeter sur madame de Pontanges, et dès l’instant son plan de campagne fut arrêté.

« C’est ce qu’il me faut ; pensa-t-il : jeune, belle, mariée… et à un imbécile ! cœur novice, santé parfaite, vie de province,