Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/52

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semble, de quoi composer un caractère de femme fort aimable. Vous voyez que je serais un mauvais juge, et que, sans le vouloir, vous m’avez gagné.

Le vieux général quitta son air de mauvaise humeur ; il se rapprocha de M. de Lorville, lui parla de son père, de sa famille, qu’il connaissait, le questionna sur ses projets avec bienveillance, et Edgar, en l’écoutant, se demandait pourquoi il était si heureux d’avoir mis dans son parti un ami de madame de Champléry.

Il attribua cette préoccupation à la curiosité. La puissance que lui seul possédait de pénétrer le secret d’une femme si distinguée expliquait assez, selon lui, l’impatience qu’il éprouvait de se trouver auprès d’elle. Madame de Fontvenel l’avait prié à dîner pour le jeudi suivant ; Edgar sachant que madame de Clairange et sa belle-fille seraient de ce dîner, se promettait bien ce jour-là de sortir son talisman de sa cachette. Déjà il lui pardonnait tous les tourments causés, tant il était fier de le posséder dans une occasion si importante.

En effet, le mystère qui entourait madame de Champléry, la bizarrerie de son caractère, joints aux avantages de son esprit, devaient inspirer de l’intérêt. M. de Lorville faisait déjà mille conjectures sur le secret qu’il allait deviner, en se promettant d’avance de ne pas le trahir. « Un secret qui donne des défauts à une personne si parfaite ne doit pas être vulgaire, pensait-il ; il n’y a dans ce mystère ni calcul, ni intérêt, puisqu’il n’y a pas hypocrisie. »

Edgar songeait à cette grande entrevue avec une joie d’enfant, et se félicitait d’y être préparé d’avance, se rappelant sa dernière maladresse ; mais le destin lui réservait d’autres épreuves.


X.

Le lundi soir Edgar rencontra M. de Fontvenel.

— Ah ! c’est toi, s’écria celui-ci ; tu ne m’échapperas pas ; je t’emmène.

— Où donc ?

— À l’Odéon.