Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/97

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Musée cette année, et se rappelant une des charmantes vues de Naples, peintes par Smargiassi, elle se promettait d’acquérir ce tableau, dont le prix encore modeste l’autorisait dans ce caprice. « Les tableaux de Smargiassi, pensait-elle, vaudront le double dans deux ans, et les acheter dans ce moment, c’est, en vérité, faire une bonne affaire. »

C’est ainsi qu’une femme raisonnable trouve toujours un prétexte sensé pour se permettre une fantaisie. Comme elle songeait à ce projet, sa calèche fut arrêtée au coin d’une rue par un embarras de voitures ; elle leva la tête et aperçut à quelque distance un jeune homme qui la lorgnait : c’était M. de Lorville ; et le lendemain, quand Valentine revint de la messe, elle fut bien surprise de trouver, en rentrant chez elle, le tableau qu’elle avait tant admiré la veille et dont elle rêvait l’acquisition.

— Qui donc a envoyé ce tableau ? demanda-t-elle aussitôt.

— Madame, c’est un commissionnaire qui l’a apporté, sans dire de quelle part.

— Il n’avait point de lettre ?

— Non, madame, seulement il m’a remis ce papier où se trouve l’adresse de madame, pour prouver qu’il ne se trompait pas.

Valentine lut cette adresse ; l’écriture en était élégante, mais elle lui était inconnue. Elle resta longtemps immobile devant ce beau paysage, qui lui rappelait un des sites de l’Italie qu’elle préférait ; puis elle se mit à réfléchir, à rêver, et à se demander comment il était là. M. de Fontvenel la surprit dans cette contemplation.

— Que vous avez eu raison d’acheter ce paysage, dit-il ; je l’ai remarqué comme vous, il est enchanteur !

— N’est-ce pas, repartit Valentine avec distraction. Mais, faisant un effort sur elle-même et lui montrant l’adresse qu’elle tenait : — Dites-moi, connaissez-vous cette écriture ?

— Oui sans doute : c’est celle d’Edgar. Pourquoi rougir ainsi ? C’est donc lui qui vous a envoyé ce tableau ?

— Je ne sais, reprit Valentine avec embarras : ce tableau me plaisait extrêmement ; j’avais le projet de l’acheter, mais je n’en ai encore parlé à personne, et je ne puis concevoir…