Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 3.djvu/230

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suivit Alfred, n’est-ce pas que c’est votre fumiste que vous nous avez amené ce soir pour nous mystifier ?

— Non, je vous le jure, reprit M. de Lusigny, ce n’est pas un fumiste, c’est… c’est un avocat… Et il regarda Léontine en disant cela…

— Un avocat qui plaide mal votre cause, dit quelqu’un.

— J’en ai peur… Et il regarda encore Léontine. Enfin, c’est un jeune homme de Bologne qui se destinait au barreau, mais que sa vocation pour la musique a entraîné. Je l’ai entendu à Naples, où il obtenait beaucoup de succès.

— Quand il plaidait !

— Quand il chantait ; mais je dois en convenir, depuis son séjour à Paris il a perdu un peu de sa voix.

Ici les rires devinrent unanimes. Chacun s’écria : « Mais il n’a jamais eu de voix ! » et les épigrammes recommencèrent de plus belle. Nous rendons justice à M. de Lusigny, sa contenance était admirable. Il opposa à cette émeute de salon le sang-froid le plus gracieux, la bonhomie la plus spirituelle ; il avait l’air si heureux d’être maltraité par tout le monde, il paraissait si fier d’être coupable, que Léontine elle-même finit par se laisser toucher en sa faveur. Hector vint lui dire :

— Eh bien ! madame, comment avez-vous trouvé ce chanteur ?…

Elle eut l’imprudence de répondre :

— Je l’ai trouvé très-amusant.

M. de Lusigny triomphait.

Berquin a dit : « Un bon cœur fait pardonner bien des étourderies. » Nous disons : « Le bon goût fait pardonner même une mauvaise plaisanterie. »


V.


En fait de commérages, il n’existe pas dans tout l’univers une ville qui soit plus petite ville que Paris. Rome n’est rien en comparaison, c’est une petite ville simple, tandis que Paris