Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 3.djvu/272

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le dire, une sorte de corruption. Oui, une douleur trop amère déprave le cœur, car on ne la supporte qu’en la profanant. Et puis, il est de certains malheurs qui grandissent le caractère des hommes en l’améliorant, et qui au contraire aigrissent le cœur des femmes en le désenchantant, et cela doit être : l’honneur des hommes est dans le courage de leurs actions ; l’honneur des femmes est dans l’unité de leurs sentiments. Celui qui n’a pas souffert, que sait-il ? — Rien, sans doute ; mais celle qui a trop souffert sait trop !… Elle sait qu’on peut subir mille tourments sans mourir ; elle sait qu’on peut supporter une douleur insupportable, elle sait qu’on peut voir périr ceux qu’on aime… et vivre ! voir partir ce qu’on regrette… et rester ! Elle sait que ses yeux en pleurs, qui aujourd’hui cherchent l’ombre, demain chercheront la lumière ; que sa voix aujourd’hui étouffée par les sanglots, demain éclatera de rire ; et que son front, voilé de deuil, demain se couvrira de fleurs… Ah ! cette science fatale du désespoir est plus profonde et plus puissante que la science corrompue de l’égoïsme et de la vanité.