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CONTES
D’UNE VIEILLE FILLE
À SES NEVEUX





NOÉMI, OU L’ENFANT CRÉDULE.


CHAPITRE PREMIER.

LA GRAND’MÈRE.


Il y avait une fois, dans une vieille ville de France (et peut-être était-ce Paris), au fond d’une vieille rue, dans une vieille maison toute noire, une vieille femme bien triste, qui élevait près d’elle une toute petite fille. La pauvre enfant avait extrêmement peur de sa grand’mère, qui était une femme fort méchante et que tout le monde fuyait à cause de sa mauvaise humeur ; ce n’était pas une grand’maman comme les grand’mamans d’aujourd’hui, qui gâtent leurs petites-filles, les mènent à la promenade, leur donnent des bonbons et leur achètent des joujoux ; c’était une grand’mère toujours triste et malade, qui vivait toute seule dans une chambre sombre, n’ayant qu’une vieille servante, encore plus maussade qu’elle, et, de plus, sourde à n’entendre pas le tonnerre gronder. L’aspect continuel de ces deux personnes souffrantes, de cette demeure isolée, de ces meubles centenaires, de ces vêtements antiques, avait rendu la pauvre Noémi si timide, qu’elle osait à peine respirer. Jamais la verdure de la campagne n’avait réjoui ses yeux, à peine avait-elle aperçu le bleu du ciel ; car la vieille