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LE CHIEN VOLANT.

— Eh bien, pourquoi désires-tu lui parler de ton chien ?

— C’est qu’il me parle toujours de son fusil !… Il doit venir chez ma mère passer les vacances avec son oncle et son fusil, et il se moque toujours de moi parce que je suis trop petit pour aller à la chasse. Il est grand, lui ; il a une cravate et des bottes !…

— Oui, mais il n’a pas de chien volant ! reprit la fée avec un malin sourire ; et si tu apprends à bien diriger ton chien, tu rapporteras, grâce à lui, plus de perdrix et de faisans que n’en pourraient tuer tous les fusils du monde.

— Vraiment ! dit Léon en sautant de joie ; oh ! comme Henri va bisquer !

— Prends garde, Léon, dit la princesse ; la moindre imprudence peut tout gâter. Si jamais on vient à découvrir que ton chien a des ailes, il sera perdu pour toi.

— Quoi ! dit Léon, on me le volerait ?

— Ce ne serait qu’un demi-malheur, mon ami ; tu pourrais, à force de recherches, le retrouver, ou le racheter à force d’argent. Non, c’est un malheur plus grand que tu aurais à craindre, un malheur sans remède, mon enfant. Retiens bien cette leçon que je vais te donner ; ce n’est peut-être pas tout de suite que tu la comprendras ; il se peut qu’elle soit au-dessus de ton âge ; mais ne l’oublie pas, un jour tu seras bien heureux de t’en souvenir.

Et Léon prêta une oreille attentive aux leçons de la bonne fée.


CHAPITRE HUITIÈME.

MORALE DE CE CONTE.


— Dans ce siècle, où toute chose est analysée, commentée, discutée, épluchée, disséquée, une merveille, mon enfant, n’est pas une merveille, c’est une monstruosité ! Or toute monstruosité appartient de droit à la secte éplucheuse qu’on appelle savants, gens d’esprit, gens de loi, gens d’affaires, etc., etc.

À peine entre leurs mains, la pauvre merveille est aussitôt