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LE CHIEN VOLANT.

En apprenant la nouvelle de la prochaine arrivée de son ami, Léon fut tout étonné de n’éprouver aucune joie. — Henri, qui est si moqueur, pensa-t-il, que va-t-il dire de mon pauvre chien ?

Quand une chose nous rend heureux et que nous redoutons pour elle l’opinion de nos amis, c’est que ces prétendus amis ne nous aiment pas autant que nous le croyons ; sans cela, ils s’empresseraient de montrer de la bienveillance pour ce qui nous plaît. Léon eut une bien grande preuve de cette vérité.

Madame de Cherville détestait les chiens, et, de plus, elle trouvait celui de son fils très-laid ; mais dès qu’elle eut remarqué l’attachement de Léon pour Faraud, elle le traita avec bonté, et même, quand Léon était là, elle le caressait pour lui plaire ; elle allait quelquefois jusqu’à lui acheter des croquignoles : une bonne mère est capable de tout pour son fils !

Il n’en fut pas de même avec Henri. À peine arrivé, il parla d’abord de son fusil ; puis, voyant le chien : — Tu me prêteras cette horreur de chien, n’est-ce pas, quand j’irai à la chasse ? dit-il.

— Non vraiment, répondit Léon ; tu ne sais pas encore tirer : tu lui enverrais des coups de fusil. Je ne te le confierai pas.

— Tu ne crains pas qu’on le prenne pour un lièvre, ton gros pataud de chien ? reprenait Henri. Et du matin au soir, il ne cessait de taquiner le chien volant, qui ne daignait même pas le mordre.

Léon reconnut bien alors que Henri n’était pas sincèrement son ami, puisqu’il trouvait tant de plaisir à tourmenter cette excellente bête pour l’affliger.

Le bon Faraud et Léon subissaient les persécutions de Henri avec d’autant plus de patience, qu’ils avaient mille moyens de s’en venger. Chaque matin, le grand jeune homme s’en allait à la chasse dès qu’il faisait jour, et le soir il revenait la figure longue et mécontent, car il n’avait rien tué dans la journée.

Léon, au contraire, rapportait chaque soir perdrix et faisans. Il avait découvert dans la forêt voisine un endroit solitaire dont une fondrière et d’épaisses broussailles défendaient l’abord de tous côtés. Là se réfugiaient beaucoup d’oiseaux. Léon,