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MARGUERITE

Et l’enfant, ayant obtenu ce qu’il désirait, s’en alla jouer. À la porte du salon, il trouva sa grand’mère, et la regardant avec un petit air malin et doucereux à la fois, il lui dit :

M. de la Fresnaye est là !

Madame d’Arzac parut un moment contrariée ; mais bientôt, en voyant l’extrême bonhomie de Robert, le peu de coquetterie qu’il mettait dans ses manières avec Marguerite, son affectueuse cordialité, elle se rassura tout à fait et finit par trouver qu’il était sinon aimable, du moins ce qu’on appelle bon garçon. Il lui demanda si elle avait des amis en Italie, s’offrant de leur porter lettres et paquets. Après beaucoup d’excuses, elle lui proposa de se charger d’un petit livre qu’elle adressait au prince Teano, à Rome.

— Très-volontiers, répondit Robert ; c’est mon meilleur ami, et Certes c’est l’homme le plus spirituel de toute l’Italie.

Alors il parla du prince Teano avec enthousiasme ; et comme rien ne plaisait plus à madame d’Arzac que d’entendre louer ses amis, elle l’écouta avec complaisance et se laissa prendre au piège. M. de la Fresnaye triompha de ses préventions implacables. Dans sa subite bienveillance, elle alla même jusqu’à le faire arbitre d’un différend qui s’élevait, depuis deux jours, entre elle et son neveu. Il s’agissait d’un détail d’ameublement pour le grand salon de l’appartement, qu’allaient habiter les nouveaux mariés. À cette pensée, M. de la Fresnaye pâlit visiblement ; mais, par bonheur, on ne le regardait pas dans ce moment-là ; et la parfaite tranquillité de ses manières, la gaieté de ses réponses, ne permirent point de soupçonner la peine qu’un tel sujet de conversation lui causait. On le consulta comme un maître, un juge en fait d’élégance. D’abord, il se récusa ; puis, avec beaucoup de grâce et même avec une sorte d’intérêt, il donna des conseils pleins de goût et d’intelligence, et son avis, savamment motivé et parfaitement bien raisonné, fut adopté à l’instant.

— À propos, s’écria madame d’Arzac en s’adressant à Marguerite, j’oubliais de te parler de cela, mais il est prêt, votre appartement ! Qu’est-ce qu’Étienne disait donc, qu’il faudrait encore trois mois pour l’achever ? J’y suis allée ce matin, il y avait une douzaine d’ouvriers ; demain, ils auront tout fini, et