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MARGUERITE

Robert s’éloigna le cœur joyeux. — Elle ne s’ennuie pas trop avec moi, se disait-il ; c’est toujours quelque chose.

Marguerite était confuse. — Il est venu à quatre heures, il est resté là jusqu’à sept, et j’ai oublié que je devais m’habiller et que… Ah !… mais il faut dire aussi qu’il est bien amusant !

Le mot amusant était une insolence ; elle essayait de traiter légèrement M. de la Fresnaye et de le déconsidérer dans son esprit pour se rassurer ; mais braver un pouvoir, cela ne vous empêche pas de le subir ; nier un danger, cela ne vous empêche pas d’y succomber ; cela vous empêche seulement d’agir à propos et de le conjurer lorsqu’il en est temps encore.



X.

Quand Marguerite entra dans son cabinet de toilette et qu’elle vit étalé çà et là tout ce qui composait sa parure : robe de dessous, robe de dessus, mantille, nœuds pour le corsage, nœuds pour les manches, nœuds pour la coiffure… Un découragement affreux s’empara d’elle. — Jamais je ne serai prête ! se dit l’infortunée ; que faire ?

Il y avait trois partis à prendre :

Premier parti : Mettre à la hâte un bonnet déjà porté, qui ne demandait pas à être étudié ; passer une robe négligée, et se déclarer malade…

Mais il n’y avait pas moyen de faire accepter ce mensonge : Marguerite, toujours si pâle, si languissante, avait des couleurs admirables, des yeux brillants, une mine excellente ; c’était du guignon. Et puis cette robe n’était plus assez fraîche, elle avait voyagé, elle avait passé l’été à la campagne, en province, elle ne convenait pas un jour où l’on avait de grands personnages à dîner. Marguerite avait toujours eu le désir d’être jolie, le goût d’être élégante, mais maintenant elle éprouvait le besoin d’être à la mode… elle se corrompait.

Ce premier parti de la maladie improvisée fut donc abandonné.