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LETTRES PARISIENNES (1837).

Qu’un salon d’or séduit, et qui s’en vont sans honte
Flatter, pour un plaisir, quelque Anglais parvenu,
Mal vu dans son pays, dans le nôtre inconnu,
Et qu’on entend chez lui dire tout à son aise
Qu’on gagne avec un bal la noblesse française ?

Quand on frappe juste, nous applaudissons ; mais nous ne saurions adopter des reproches qui nous paraissent sans couleur. L’auteur reproche à la haute société d’être médisante, d’inventer cent histoires sur les gens qui se passent d’elle, sur les absents ; de forger toutes sortes de calomnies sur ceux qu’elle réclame, et qui semblent la fuir. Eh bien, n’est-ce pas ainsi dans tous les mondes ? Est-on plus indulgent dans les autres quartiers ? N’invente-t-on rien en province ? Si un jeune homme vit tout seul dans son château, respectera-t-on sa solitude ? ne sera-t-elle pas interprétée de mille façons, les plus étranges, les plus odieuses ? Le faubourg Saint-Germain ressemble à tous les mondes ; il faut seulement s’étonner qu’il leur ressemble, il aurait le droit de valoir mieux. Des gens qui n’ont rien à faire du matin au soir qu’à se perfectionner devraient être plus aimables ; des esprits qui ont depuis des siècles la tradition de l’élégance et du bon goût devraient être plus distingués sans doute ; mais aussi n’est-ce que la partie mondaine que vous peignez, c’est le monde extérieur que vous observez, c’est la société éventée, frelatée, que vous connaissez, et ce n’est pas d’après cette coterie d’exception, toute d’exception, que vous pourrez juger et dépeindre le faubourg Saint-Germain. D’abord, le point de départ du livre est faux, puisque c’est une généralité que l’on veut démontrer : l’héroïne est une victime des manies paternelles ; on la fait sortir du couvent pour la jeter aux bras d’un mari qui serait son père. Les habitants de la province vont s’imaginer que cela est toujours ainsi, que nous avons toujours ces mêmes pères tyrans d’avant la révolution ; toujours des jeunes filles sacrifiées à de vieux barbons. Rien n’est moins exact pourtant : aujourd’hui, si les maris ont un défaut, c’est peut-être celui d’être trop jeunes ; il n’y a pas dix vieux maris dans tout le faubourg Saint-Germain, et encore, ceux-là ont-ils été choisis avec amour et séduits à force de coquetteries. Nous pourrions