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LETTRES PARISIENNES (1837).

les gens qui sont les plus pressés de s’en aller. On a hâte de partir et l’on est fâché de se quitter ; mais Paris n’est plus habitable, la chaleur, la poussière et la solitude le dévorent ; l’élégance et la santé ne permettent plus d’y vivre. Paris est aux eaux, Paris est à la campagne, il est partout excepté ici ; ce n’est plus sur le boulevard qu’il faut le chercher, nous-même nous serons bientôt forcé de le rejoindre où il s’envole, et dorénavant, pour mériter notre titre, c’est de Bade, de Carlsbad, de Marienbad qu’il nous faudra dater le Courrier de Paris.

En attendant, nous faisons dans nos promenades un cours des environs de Paris, et depuis quelques années les environs de Paris sont devenus les jardins les plus délicieux du monde. Nous connaissons de ravissantes retraites qui attirent de loin les voyageurs, que l’on vient visiter de plusieurs lieues à la ronde, comme on va voir à Versailles le jardin d’Hartwell, les bosquets de la Reine, la laiterie de Trianon. C’est d’abord, — sur la route de Saint-Germain, ce charmant château de Luciennes, ce bel hôtel parisien, transporté par miracle à la campagne, et tout joyeux d’avoir changé son ruisseau de la rue du Faubourg-Saint-Honoré contre le large ruban de la Seine, qui fait aujourd’hui sa ceinture ; d’avoir remplacé le parapet de l’égout qui lui servait de point de vue cet hiver, par l’aspect de l’élégant aqueduc de Marly. Là on cause comme à Paris, on dîne comme à Paris, on a de l’esprit comme à Paris, on a même des fleurs comme à Paris ; seulement on respire leur parfum sans mélange. L’air est pur, l’horizon est vaste, le soleil est brillant, l’imagination est libre ; là se trouvent réunis, dans un seul et même plaisir, tous les luxes recherchés de la ville, toutes les naïves voluptés des champs…

C’est ensuite, — auprès de Montmorency, à Saint-Gratien, une délicieuse villa florentine arrangée à l’anglaise ; cette belle retraite d’un voyageur, cet élégant musée que les trésors, c’est-à-dire les souvenirs de tous les pays du monde viennent embellir à l’envi. Regardez : voici une lampe trouvée à Nota, une coupe rapportée de Rome, une table faite à Florence ; cette statue arrive d’Égypte, ces vases viennent de Chine, ces tapis