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LE VICOMTE DE LAUNAY.

a changé ses vilains murs blancs en haies vives, ses chemins rocailleux et impraticables en belles allées de jardin anglais ; là point d’obstacle, là point de crainte, partout où votre désir peut atteindre vos chevaux légers peuvent courir. Allez à Bièvre à travers les ruisseaux, la route est belle sous les peupliers ; allez à Verrières à travers la forêt, la route est belle sous les chênes ; allez à Fontenay à travers les fraises et les roses, la route est belle sous les grands noyers. On a fait pour vos promenades vingt lieues de chemins autour de vous. Courez, partez, revenez, repartez, rien ne vous arrête. Votre demeure s’embellit de toutes les richesses du voisinage. Rien ne vous en sépare et tous les chemins vous les donnent. Ce séjour est si délicieux, que le spirituel solitaire d’Aulnay n’y veut plus rester ; on ne peut plus se cacher là où tout le monde peut venir ; on ne peut plus travailler là où tout est promenades et plaisirs ; on ne peut pas se faire ermite dans un parc anglais. Aussi le poëte rêveur disait-il avec tristesse au Christophe Colomb de ce beau pays (car c’est découvrir un monde que de lui donner une vie nouvelle) : « Hélas ! vous avez gâté notre pays ! — Comment ? — En le rendant habitable. » Voilà un reproche plus flatteur que les éloges les mieux mérités. Il est beau pour un homme qui protège toutes les améliorations civilisantes, qui rêve tous les perfectionnements administratifs, et qui prouve, par l’application de ses idées mêmes, que le bien qu’il conseille est faisable, puisqu’il est fait ; il est beau, disons-nous, d’en être arrivé à ce point de civilisation, d’avoir amené la nature elle-même à ce degré de confortable qui force les ermites à déménager.

Mais c’est surtout dans l’intérieur du chalet que l’esprit de perfection se fait remarquer en chaque chose : il semble qu’une fée bienveillante ait présidé à l’arrangement de cette merveilleuse demeure, et se soit fait un devoir d’éviter à ceux qui l’habitent toute espèce de contrariétés. Cet admirable problème est résolu complètement. On ferait un volume des moyens ingénieux qui préviennent tels ennuis, des ressources inépuisables qui parent à tels inconvénients, de l’harmonie parfaite de tous les objets entre eux ; de l’ordre, de l’équilibre, de la mesure qui règnent dans les moindres détails de l’habitation.