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LE VICOMTE DE LAUNAY.

qui s’enivrent de ratafia. Lamartine, propriétaire de vignobles ; Lamartine, dont les caves possèdent ce précieux vin du Liban, poétique souvenir du saint pèlerinage ; Lamartine, enfant de la rouge Bourgogne ; Lamartine boit de la bière comme un Flamand. Eugène Sue ne vit que d’opium ; Alexandre Dumas n’aime que l’eau de cerises (traduction : kirsch-wasser) ; George Sand s’inspire avec du café ; madame de *** avec de la limonade ; Alfred de Musset avec du punch, et M. Briffaut, de l’Académie française, avec de l’orgeat bouilli.

À propos de breuvages, nous avons appris ces jours-ci que les musulmans se permettent le vin de Champagne sans aucun remords ; voici leur raisonnement : « Le vin de Champagne n’était pas encore inventé au temps de Mahomet, donc il n’a pu le défendre. » Il est avec le Turc des accommodements, et les parjures sablent hardiment le champagne à la santé du Prophète. À eux il est permis de dire le champagne : cette faute de français est un devoir de leur religion, sans elle ils seraient coupables ; elle leur épargne un remords. On leur défend le vin, mais on leur permet le champagne. Oh ! les Normands !

On s’occupe beaucoup de la lettre de M. Viennet, et pourtant elle n’a rien qui bouleverse les idées modernes : que M. Viennet attaque les romantiques, mais c’est dans la nature ; M. Viennet est né pour haïr les romantiques, sa vocation est de les persécuter. Cela n’est rien, cela est dans l’ordre ; mais voici un fait qui renverse toutes les lois de la probabilité. Tout est possible après ce que nous venons de voir. Ô romantisme, tu dépasses la politique en apostasie ; ton fils, ton fils bien-aimé, contre toi se tourne ; ses serments il abjure ; ses triomphes il oublie. Quinze ans de gloire, de succès européens sont par lui reniés ; l’ingrat ! les flancs il déchire qui l’ont porté ; le sein il meurtrit qui l’a nourri ; de son grand destin il ne se souvient plus. Il en est venu jusqu’à mériter son titre le plus illustre, non celui de vicomte, mais celui de Renégat ! Ô giaour littéraire ! ô déception ! qu’allons-nous devenir ? Où va le monde ? Le Solitaire rentre dans la foule ; il se mêle aux classiques, il attaque les romantiques, il les poursuit de son ironie ; il les appelle par son nom ; lisez dans la Mode cette nouvelle intitulée : la Nuit de sang, signée vicomte d’Arlin-