Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 4.djvu/165

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
159
LETTRES PARISIENNES (1837).

séjour de Paris maintenant, il faut tâcher d’avoir un fils de dix à douze ans tout prêt à être couronné ; sans cela l’ennui vous gagne, on n’y a point d’intérêt. On sait déjà qui aura le prix d’honneur ; déjà ! n’est-ce pas trop tôt ? On voit çà et là quelques jalousies qui s’entr’ouvrent. « Madame *** est-elle à Paris ? — Non, monsieur, répond le portier, nous l’attendons la semaine prochaine ; elle vient chercher M. Henri ou M. Alfred qui doit passer les vacances à la campagne. » Les vacances ! les vacances ! mot sublime, qui présage tant de plaisir ; avoir un prix de grec, et se dire : « Dans huit jours, les vacances ! » c’est la plus belle émotion de la vie. Heureux aujourd’hui ceux qui ont douze ans, ou ceux qui ont un fils de douze ans ! c’est la même chose.

En fait de modes, les manches à la jardinière sont ce qu’il y a de plus joli. On voit toujours sous les chapeaux beaucoup de roses blanches ; seulement, elles sont un peu plus fanées que la semaine dernière ; c’est un perfectionnement dont l’avenir nous plaît. Depuis huit jours, pas une rose de moins, pas un cheveu de plus.

En fait de nouveauté littéraire, nous avons une admirable édition du Vicaire de Wakefield. C’est un livre aussi amusant à regarder qu’à lire : la traduction nouvelle est de Charles Nodier, rien que cela ; mais Charles Nodier se devait de nous expliquer ce roman admirable ; l’auteur de Mademoiselle de Marsan et de Séraphine était le traducteur naturel du Vicaire de Wakefield. Les Anglais, en comparant le texte qui est en regard de la traduction, seront quelquefois jaloux de la phrase française : ceux qui savent l’anglais se plairont à étudier les caprices des deux idiomes ; ceux qui ne savent pas l’anglais, se réjouiront de n’être plus humiliés par ces pédants qui vous disent, quand vous admirez un livre étranger : « Vous n’en pouvez pas juger, si vous ne l’avez pas lu dans l’original ; » ceux, enfin, qui ne savent ni l’anglais, ni le français, s’amuseront encore à regarder les vignettes charmantes dont cette belle édition est parsemée ; ce sont tous dessins de Tony Johannot, gravés en Angleterre ; dessins français traduits en anglais ; on en trouve un presque à chaque page ; on passerait un jour à les regarder, et l’on vous donne tout cela, l’original