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LETTRES PARISIENNES (1837).

se lavait pas les mains. Et voilà l’imprudence impardonnable que nous avons commise de lancer un trait si terrible, et qui allait si droit au but ; et voilà maintenant que nous avons pour ennemis tous les êtres qui ne se lavent pas les mains ! C’est effrayant.

Mais nous oublions que le lecteur n’aime pas nos réflexions ; les commentaires le fatiguent ; il lui faut de petites phrases légères, des périodes écourtées, un commérage rapide, un style sautillant, des niaiseries vivaces, des mensonges courants ; nos idées particulières l’intéressent peu, et il a raison ; ce qu’il veut savoir, c’est ce qui se passe et même ce qui ne se passe point à Paris.

Nous lui dirons alors que la grande nouvelle de cette semaine a produit ici peu d’effet ; elle était bonne, cela se comprend : une heureuse nouvelle aurait fait ravage ; mais une mauvaise nouvelle trouve les échos moins sonores. C’est à qui en éteindra le son. Il est à remarquer que ces grands patriotes qui s’embrassent avec effusion, qui font sauter en l’air leurs vieux chapeaux en signe d’enthousiasme lorsqu’une loi est rejetée à la Chambre, restent froids et muets lorsqu’une victoire de nos armes est proclamée. L’un d’eux disait l’autre jour, en apprenant la prise de Constantine : « C’est bien heureux pour le ministère ! » Pour le ministère ! n’est-ce pas pitié ? et le pays, messieurs, le comptez-vous pour rien ? Ne voir dans un triomphe national qu’une petite question de cabinet ! Ces pauvres patriotes ont du malheur ; nos victoires ne sont jamais pour eux que des contrariétés politiques ; le destin fait qu’ils ne peuvent jamais se réjouir des succès de leurs compatriotes et de la gloire de leur patrie.

Pardon, lecteur ; ce paragraphe est bien long ; désormais nous serons bref.

Les petits journaux font déjà toutes sortes de généreuses épigrammes contre le duc de Nemours, parce qu’il s’est fort bien conduit au siège de Constantine. C’est toujours de l’esprit français.

Dans ce moment, le plus vif intérêt de la capitale, c’est le chimpansé, ou plutôt la chimpansée qui est au jardin des Plantes. Rien de plus charmant que cette intéressante créa-