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LETTRES PARISIENNES (1837).

vantez, qui ne vous pardonnent pas d’admirer ce qu’ils détestent, et puis les amis qui trouvent que vous n’en dites jamais assez. Ah ! c’est une rude tâche que la nôtre ! Heureusement nous avons les ridicules de tous pour nous amuser ; et dans nos jours de colère, nous nous désarmons nous-même en riant.


LETTRE TRENTE-DEUXIÈME.

La poésie et la gaieté française retrouvées dans les élections. — M. Arago. — M. de Lamartine. — L’astronome et le poëte. — Bons mots et naïvetés.
17 novembre 1837.

Plus de poésie ! s’écrie-t-on chaque jour ; notre vie est bourgeoise, nos mœurs sont bourgeoises, nos plaisirs sont bourgeois, nos ennuis, surtout, sont bourgeois. La poésie a disparu de notre belle France ; les poëtes qui la cherchent ne savent plus eux-mêmes ce qu’elle est devenue. Eh bien, la voici ; elle est enfin retrouvée, plus merveilleuse et plus brillante que jamais. La voilà ; ne la reconnaissez-vous pas ? — Où donc la voyez-vous ? dans le rapport du général Valée sur l’expédition de Constantine ? — Non ; ceci est de l’histoire, et c’est bien mieux. — Dans la lettre de M. Viennet au journal le Temps ? — Non ; la lettre du poëte de Philippe-Auguste est une satire, une satire très-amusante, mais ce n’est point de la poésie. — Expliquez-vous alors ; où donc avez-vous retrouvé la poésie ? — Où jamais elle n’avait paru encore, mais où elle s’est montrée dans tout son éclat et avec tous ses charmes : dans les élections ! — Vous voulez rire ? — Non, vraiment ; nous le prouverons : nous n’imaginons rien de plus poétique que la journée des élections, cette année. Nous ne parlons pas des angoisses de l’ambition, des intrigues de la haine, des irritations de l’envie ; oh ! pour nous la poésie n’est point dans les passions humaines ; c’est du drame ceci, et le drame habite le monde ; pour nous, la pure et sainte poésie est dans la nature ; et jamais nous n’aurions imaginé que la nature pût prendre une part officielle dans les élections d’un pays. Mais vous l’avez vu, cette année, tous les éléments ont voté ; l’air et la terre, l’eau et le feu ; le fils de l’air, le candidat céleste, a été choisi deux