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LETTRES PARISIENNES (1838).

nous la trouvons bien autrement pénible à entendre assis sur une mauvaise chaise, dans cette boîte de danse qu’on appelle une loge ; aussi nous récusons-nous humblement pour juger ce genre d’ouvrage. Nos hommes d’État disent avec dédain, en parlant de cette comédie, que c’est de la bien mauvaise politique. Nous nous en rapportons avec confiance à leur jugement ; ils doivent s’y connaître mieux que nous, leur politique est une si bonne comédie !

Nous ne voulons nous occuper que de lady Strafford, que du rôle sentimental de la pièce. Admirable femme, en effet, qui représente à elle seule toutes les nuances de la presse légitimiste ! Pendant les premiers actes, c’est la Mode, c’est un délicieux journal de chiffons politiques. L’aimable lady s’occupe à la fois de parures et de complots. Elle vient à Londres pour un bal et pour une émeute. Ses cartons de voyage sont remplis d’armes et de fleurs ; elle prépare un massacre en mettant son rouge, elle souffle le feu de la guerre civile avec son éventail. Vous croyez sans doute que toutes ces choses, elle les fait par amour, car chez les femmes, les grandes pensées politiques viennent du cœur. L’une, vierge inspirée, se fait soldat pour sauver son pays. Une autre, mère passionnée, entreprend la guerre pour rétablir son fils sur le trône. Les conspirations que les femmes ourdissent, nous ne parlons pas de leurs intrigues, ont toujours une cause généreuse, une origine poétique ; quelquefois une noble vengeance les inspire ; mais il faut leur rendre justice, le plus souvent c’est un sentiment très-tendre qui leur met les armes à la main. Vous croyez, disons-nous, que lady Strafford veut ramener dans son royaume le prétendant qu’elle aime. Vous dites : Elle agit par amour… Point du tout, elle agit contre amour ; elle n’est pas du parti de celui qu’elle aime, mais elle veut le gagner à sa cause, au risque de le voir se perdre lui-même en trahissant son parti ; car elle n’hésite pas entre le prétendant et son prétendu. Pourvu que le premier règne, qu’importe que le second se déshonore ; c’est un détail qui ne la regarde pas. Et puis, elle gazouille politique du bout des lèvres avec tout le monde, elle se commet avec tous les chefs d’opinions, elle dit la même niaise flatterie à tous les rustres qu’on lui présente : — M. Goff…