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LETTRES PARISIENNES (1836).

pas pour lui un peuple éclairé qui réclame ses droits, nous étions des sujets révoltés dont il fallait réprimer l’insolence. Que voulez-vous ? il n’avait point perdu l’illusion des « fidèles sujets », il ne comprenait rien aux légales insurrections des Chambres, il avait encore le préjugé de la couronne ; en un mot, il voulait régner sous prétexte qu’il était roi. C’est pourquoi il est mort comme il a vécu : dans l’exil. Oh ! c’est triste de voir toujours les rois proscrits, guillotinés, assassinés pour des malentendus de peuples ! Autrefois un homme déplaisait au prince, qui l’envoyait à la Bastille ; aujourd’hui c’est le prince qui déplaît au peuple, et le peuple absolu le proscrit. La terre de l’exil est donc la Bastille des rois.

Un journal qui voudrait être méchant, et qui n’est que tendre, publie dans son dernier numéro une lettre ou plutôt un article signé Marie-Caroline, que nous n’avons pu lire sans étonnement ; en effet, nous ne comprenons pas quelle influence peut encore exercer sur le parti légitimiste madame la princesse de Lucchesi-Palli. Depuis son mariage, le rôle de madame la duchesse de Berry est, à nos yeux, entièrement changé. Marie-Caroline, veuve d’un prince français assassiné parmi nous, couverte encore du noble sang de son mari, était une exilée française dont le malheur nous inspirait la plus religieuse pitié ; Marie-Caroline, femme de M. de Lucchesi-Palli, n’est plus maintenant pour nous qu’une princesse étrangère, une nouvelle mariée heureuse, dont nous admirons toujours le courage et l’héroïsme, mais dont nous n’avons plus le droit de nous occuper. Il nous semble que si le duc de Bordeaux doit toujours voir en elle sa mère bien-aimée, sa mère politique est maintenant madame la duchesse d’Angoulême, dont le caractère est une sainte garantie : madame la Dauphine attend noblement de la Providence ce que d’autres demandent à la guerre civile ; dans ses malheurs elle s’est toujours souvenue qu’elle était fille de France ; nous ferons comme elle, nous ne l’oublierons jamais.

La cour ne porte point le deuil, ce qui nous paraît assez étrange. Les légitimistes le porteront pendant six mois, pour trois raisons : ceux-ci par religion pour une perte réellement sentie ; ceux-là par politique et pour se compter ; les autres