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LETTRES PARISIENNES (1836).

LETTRE SEPTIÈME.

Le Courrier de Paris. — La cour des Tuileries. — Les salons politiques.
15 décembre 1836.

Savez-vous qu’il faut avoir bien peu d’amour-propre pour écrire le Courrier de Paris. Un véritable auteur n’y pourrait jamais consentir ; en voilà deux qui y renoncent ; tout le monde n’a pas notre insouciance, et ceux qui ont une réputation d’esprit à soutenir y regardent à deux fois avant d’adopter celle que le prote s’amuse à leur faire. On veut bien signer ce qu’on écrit et ce qu’on pense, mais on ne veut pas être responsable de ce qu’un autre écrit, sans même le penser. Le Courrier de Paris est destiné à être semé de fautes d’impression ; il ne peut être vivant, actuel qu’à ce prix ; le Courrier du jeudi demande à être écrit le mercredi soir, c’est-à-dire à être imprimé à minuit, comme le lapin demande à être écorché vif : et certes, c’est être écorché vif que de voir ses épreuves corrigées par un prote peut-être fatigué, qui imprimera ces trois lignes que voilà, sans s’apercevoir qu’elles sont contre lui. Il nous est arrivé de faire notre courrier le dimanche et d’être obligé de le jeter au feu le mercredi, parce que ses niaiseries étaient déjà vieilles ; le bavardage ne plaît que par sa fraîcheur. Donc, nous sommes résigné à subir les chances d’une typographie capricieuse, comme les peintres de porcelaine se résignent à subir les hasards de la cuisson : nous finirons par nous aguerrir comme eux au danger ; nous ferons nos calculs aussi ; nous dirons : le bleu trop chauffé devient vert, le rouge gratiné devient brun ; nous ferons subir une préparation chimique à nos idées, ou, ce qui sera plus habile, nous accoutumerons le lecteur à regarder tout ce qui le choquera dans notre style comme une faute d’impression. En attendant, nous affirmerons que dans sa lettre de jeudi dernier, M. de Cüstine avait écrit le bon goût et non pas le fin goût, ce qui était peu élégant ; nous prouverons aussi que dans une lettre précédente, il avait dit M. de Sabran, mon oncle, et non pas le comte de Sabran, mon oncle. Il n’y a que les parvenus qui se donnent entre eux leurs titres. Maintenant, nous commençons notre