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LE VICOMTE DE LAUNAY.

toi ; leur politique, c’est ta gloire ; leur ambition, c’est ta joie ; ils ne savent point faire pour ton avenir de beaux discours, de beaux projets ; mais ils ont gardé intact dans leur cœur ce noble sentiment qui fait la grandeur de ton histoire, cet instinct sublime que les ambitieux ont perdu, ce feu sacré que l’égoïsme vient étouffer ; ils ont gardé la tradition de l’amour, et ils te sauveront, parce qu’ils t’aiment et parce qu’ils n’aiment que toi !


LETTRE QUINZIÈME.

Fête à l’ambassade d’Angleterre pour la naissance de la reine. — La princesse Doria. — Les humilités orgueilleuses. — Mot de l’ambassadeur de Turquie.
30 mai 1839.

Nous vous avons sacrifiés vendredi dernier, aimables lecteurs, séduisantes lectrices ; peut-être ne vous en êtes-vous point aperçus… Oh ! si vraiment. Les bavards ont cela d’agréable, qu’ils font de l’effet par leur silence, et le nôtre a dû vous frapper. Toutefois, ne nous accusez point de négligence : en vous sacrifiant, nous agissions encore dans votre intérêt. Vendredi était le jour d’une grande fête à laquelle nous avons voulu assister, pour notre plaisir, un peu, mais surtout pour vous en faire un exact récit. Dans cette belle fête, on célébrait la naissance de la reine d’Angleterre, et le souvenir de cette gracieuse Majesté, de cette jeune fille qui tient le sceptre avec tant de force, de cette nymphe couronnée qui donne des leçons de dignité aux vieux rois ses frères, embellissait toute chose, jusqu’à l’étiquette elle-même ; comme en Angleterre c’est une femme qui est roi, l’uniforme n’était point porté par les hommes, il était porté par les femmes ; et rien n’était plus agréable aux yeux que toutes ces robes blanches parsemées de roses qui rajeunissaient les plus respectables mères de famille. C’était la fête de la Rose, et jamais cette royale fleur n’avait brillé de plus d’éclat. Il y avait au coin de chaque porte une montagne de rosiers en fleur rangés sur des gradins invisibles ; c’était charmant : çà et là on surprenait de jeunes et jolies danseuses cueillant des rose$ pour remplacer les légers bouquets de leurs robes que les tourbillons de la valse avaient