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LETTRES PARISIENNES (1838).

femmes ; c’est pourquoi nous vous disons de vous défier de la perfide Albion.


LETTRE SEIZIÈME.

Banalités de la conversation. — Les ennemis naturels.
21 juin 1839.

La conversation parisienne, et même la conversation française, se nourrit, pour tout aliment, d’une vingtaine de banalités qu’il faudrait pourtant bien un jour renouveler, d’abord parce qu’à force d’avoir été rabâchées elles ont cessé d’être piquantes ; ensuite parce que, les mœurs ayant changé, elles ont cessé d’être vraies.

M. Alphonse Karr est déjà parvenu à détrôner plusieurs préjugés de romances, accrédités d’âge en âge par les troubadours ; plusieurs erreurs de naturalistes, admises comme dictons dans le langage : il a démontré, par exemple, au grand désappointement des faiseurs de chansonnettes grivoises, que l’on ne pouvait danser ni sur la fougère ni sous la coudrette ; il a prouvé, au grand désespoir des poëtes, que les papillons n’aimaient pas les roses ; il a découvert, au grand étonnement des naturalistes, que le lézard, ami de l’homme, était au contraire son plus farouche ennemi ; enfin il a osé attaquer les proverbes ! les proverbes ! la sagesse des nations ! Il a déclaré que plusieurs d’entre eux étaient parfaitement absurdes ; il a montré que ceux-là, que l’on révérait infiniment, disaient tout le contraire de ceux-ci, que l’on ne révérait pas moins. Faire la guerre aux préjugés, ces erreurs consacrées par les siècles ; attaquer les proverbes, ce code de la prudence, dont les lois éprouvées sont le fruit de l’expérience universelle, c’était courageux. Eh bien, nous serons plus courageux encore, nous attaquerons hardiment ces banalités mensongères, ces lieux communs qui n’ont plus de sens, ces vulgarités qui n’ont plus d’application, ces erreurs monnayées qui courent le monde, qui pénètrent dans tous les esprits, qui usurpent toutes les confiances, et, ce qui est plus terrible encore, qui soutiennent toutes les conversations.

Nous savons bien qu’en supprimant le classique vocabulaire