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LETTRES PARISIENNES (1839).

coup de monde ! » nous dirons : C’est surtout dans les quartiers élégants ; la rue de la Paix, la rue de la Chaussée-d’Antin, la rue Laffitte, la rue du Bac, la rue du Faubourg-Saint-Honoré, sont maintenant peut-être plus passantes que la bruyante rue Neuve-des-Petits-Champs, la délirante rue Saint-Honoré et l’infernale rue de Richelieu. Nous ne parlons pas de la rue Vivienne, où les passants, pressés, poussés, unis deux à deux le long des trottoirs, semblent danser une sarabande, pas de caractère où toutes les nations figurent, ballet universel mille fois plus vivant encore que le fameux galop de Musard ; la réputation de cette rue classique et cependant fantastique est faite depuis longtemps.

Eh bien ! c’est dans ce tourbillon épouvantable qu’il nous a fallu tourner pendant huit jours, sous l’affreux prétexte de montrer Paris à une famille anglaise. Ces dames, au nombre de douze : une mère, une tante et dix jeunes filles, nous avaient fait l’honneur de nous choisir pour cicerone (prononcez domestique de place) ; nous ne disons rien des jeunes garçons, il n’y en avait que cinq et leur père s’était chargé de les promener. Les deux premières merveilles que la famille a demandé à voir en arrivant à Paris, c’est la colonne de la place Vendôme, et le diamant de la Comédie française, mademoiselle Mars. Les familles anglaises commencent toutes par là. Nous sommes donc allés voir la colonne ; ces dames ont fait, sur la grandeur et la fragilité des choses humaines, des réflexions philosophiques auxquelles nous avons répondu par des pensées ingénieuses que nous vous épargnons. De la colonne à l’obélisque il n’y a qu’un pas, c’est-à-dire de la place Vendôme à traverser les rues de Castiglione, de Rivoli et la place Louis XV. On admire l’obélisque ; nouvelles réflexions philosophiques sur les vanités terrestres, sur l’aiguille du désert qui vient orner la plus bruyante des cités, où elle sert, dit-on, de paratonnerre. Nous entrons dans le jardin des Tuileries, et chacun de regarder passer notre charmante procession. Plusieurs jeunes gens bien mis et mal élevés lorgnent avec affectation ces demoiselles, qui se mettent à rire de la tournure plaisante de ces merveilleux. Après une heure de promenade, commence la course des magasins. On nous conduit chez mademoiselle