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LETTRES PARISIENNES (1840).

Le premier se moque de la puissance du second et l’envie.

Le second se moque des grands airs du premier et les imite.

Tous deux se méprisent également, et cela précisément à cause de leurs bonnes qualités. Le premier dit du second qu’il est nouveau ! — le second dit du premier qu’il est vieux ! — comme si cela n’était pas un mérite, que d’avoir des années et des racines ; comme si ce n’était pas un avantage, que d’avoir de la sève et de l’avenir.

Dans le premier, on a de l’esprit ; mais on ne s’en sert que pour son plaisir ; c’est pourquoi on y aime, on y flatte, on y attire les gens d’esprit.

Dans le second, on fait de l’esprit, et l’on s’en sert pour parvenir ; c’est pourquoi on déteste les gens d’esprit.

L’un est un atelier où se forgent toutes les machines nouvelles, où tous les principes se remanient, où toutes les réformes s’élaborent.

L’autre est un sanctuaire où toutes les religions de la société sont scrupuleusement conservées ; nous disons scrupuleusement conservées ; nous voudrions dire chaleureusement défendues, mais ce ne serait pas exact. Les gens du faubourg Saint-Germain, comme tous les gens extrêmement polis, pèchent par l’indifférence, et c’est un tort.

Les hommes qui possèdent un grand pouvoir n’ont pas le droit d’être indifférents et dédaigneux ; la paresse est un crime à une époque comme la nôtre : bouder, ce n’est pas plaider. Mais rassurons-nous ! nos grands seigneurs se font honneur depuis quelque temps de copier les grands seigneurs anglais ; ils les ont déjà imités dans leurs élégantes manières, leurs laquais poudrés, leurs grands dîners, leurs courses de chevaux, leur façon brève de prier à un bal, et vingt autres modes nouvelles. Patience, ils en viendront bientôt à les imiter dans leur intelligente participation aux affaires de leur pays, dans la haute protection qu’ils accordent aux découvertes de l’industrie, dans leur amour national si éclairé… La noblesse de France a trop de goût pour ne prendre à la noblesse anglaise que ses manies.

Car il y a encore une noblesse en France, quoi qu’en disent messieurs les journalistes, ces aristocrates du jour. La noblesse