Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 4.djvu/88

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
82
LE VICOMTE DE LAUNAY.

sant ; comme s’il y avait des degrés dans l’infidélité ! L’infidélité est comme la mort, elle n’admet pas de nuances. Excepté cela, tout est parfait dans la morale de madame Poutret de Mauchamp.


LETTRE HUITIÈME.

Crise ministérielle. — La grippe. — Promenade de M. le duc de Bordeaux. — Modes. — Les visites du matin..
29 mars 1837.

La politique de cette semaine nous appartient ; c’est une série de commérages dont les graves colonnes d’un journal n’auraient pas le droit de s’occuper. Ce sont des tracasseries, des taquineries, des misères à faire pitié. Oh ! l’intérêt commun n’est jamais pour rien dans ces enfantements ministériels ; au fond de toute chose vous trouvez toujours une rivalité, une petite rivalité toute-puissante, dont des femmes mêmes n’oseraient convenir ; un ministère composé de sept vieilles coquettes (les vieilles coquettes sont encore plus intraitables que les jeunes), un ministère semblable serait moins difficile à harmoniser que les nôtres. M. un tel ne veut pas rester à cause de M. un tel ; celui-ci ne veut pas entrer à cause de celui-là ; tel autre ne peut accepter que si un tel autre accepte : c’est un casse-tête chinois dont les pièces sont dépareillées. Il y en a même deux ou trois qui appartiennent à un autre jeu ; et, quoi qu’on essaye, quoi qu’on rêve, le tableau ne pourra jamais être refait. Tout cela est triste ; ce sont des puérilités, sans doute, mais des puérilités fatales ; ce sont des niaiseries, sans doute, mais ces niaiseries sont mortelles, car chaque secousse détruit nos forces, chaque tremblement de ministère ébranle tout le pays. Et puis l’incertitude, c’est la mort, c’est l’oisiveté, c’est le découragement, c’est la stérilité. Quel projet former lorsqu’on attend toujours ? que peut-on entreprendre lorsqu’on a tout à craindre ? comment marcher, quand la route n’est pas tracée ? comment semer sur un terrain mouvant ? Que penserait-on d’un laboureur qui passerait toute la saison des travaux à choisir lequel de ses chevaux il doit mettre à la charrue, et qui, lorsque la moisson viendrait, ne se serait pas encore