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LE VICOMTE DE LAUNAY.

qu’on a dit ce soir-là de l’aimable maîtresse de la maison, de sa beauté toujours présente, de sa bonté toujours nouvelle ; de cette femme, la plus femme de toutes les femmes, et la plus constamment aimée de toutes celles qui ont mérité d’être aimées ; mais elle nous a défendu de parler d’elle, et nous n’en dirons pas un mot. Que les inondés nous pardonnent !

Lady Byron avait envoyé cent francs pour un billet ; on pensait qu’elle devait venir à ce concert. — Sans doute elle est ici ; dit quelqu’un. — Elle est ici, répond un autre affirmativement. — La voici ! comprend un troisième. Et quand nous arrivons demandant si lady Byron est dans le salon, on nous répond : « Oui, elle est en face de vous… » et l’on nous montre une grande femme coiffée d’un turban de gaze brodé d’argent. Nous regardons vite la célèbre veuve de Lara. Mais, ô surprise ! cette prétendue lady Byron, que nous n’avons point du tout l’honneur de connaître, nous fait signe de la main et nous sourit gracieusement… C’était mademoiselle d’Angeville, la célèbre voyageuse… Et nous avons rencontré des gens qui assuraient, le lendemain, avoir vu lady Byron à l’Abbaye-aux-Bois. Voilà comme on écrit l’histoire !

Nous allons maintenant vous raconter comment et dans quel but ont été faites les invitations d’un bal superbe donné ce soir par un riche Américain. Une grande dame s’est aussi chargée de faire la liste, et elle a prié ses amis : c’est une manière charmante d’amuser sa société aux dépens du nouveau monde ; les malins appellent ce genre de bal le bal à l’américaine. Celui d’aujourd’hui… Mais gardons cette description pour un autre jour ; une main amie nous envoie à l’instant l’album de madame la princesse G…, en nous autorisant à publier ces vers ravissants que M. de Lamartine vient d’y écrire. L’autre soir, la princesse, voyant M. de Lamartine souffrant et triste, lui offrait de prier pour lui ; il a improvisé cette réponse :

Quand on se rencontre et qu’on s’aime,
Que peut-on échanger de mieux
Que la prière, don suprême,
Or pur qu’on reçoit même aux cieux ?

Vous me l’offrez ; je la réclame,
Pensez à moi dans le saint lieu ;