LETTRE TROISIÈME.
Depuis dix jours Paris est tout occupé des nouvelles élections de l’Académie ; il nous faut donc bien vous parler de l’Académie ; permettez-nous de vous soumettre quelques idées assez étranges qui nous sont venues à propos d’elle.
À chaque nouvelle candidature académique, les divers galants admirateurs de nos diverses femmes célèbres répètent en chœur et comme un refrain cette même charmante flatterie : « Mais c’est vous, madame, c’est vous qui devriez vous mettre sur les rangs !… »
Aussitôt un académicien quelconque se hâte de reprendre : « Madame, je vous promets ma voix. » Puis, après un gracieux ou affreux sourire, selon ses moyens, il ajoute : « Sérieusement, pourquoi n’y aurait-il pas à l’Académie française deux fauteuils réservés pour des femmes, pour madame Sand et pour madame une telle ?… » Dans chaque salon on dit un nom différent… Pourquoi les femmes d’un grand talent ne seraient-elles pas de l’Académie ?… Pourquoi ? nous allons vous le dire :
Parce que ce serait une anomalie, une inconséquence, une chose ridicule et contre vos mœurs. Nous vous demanderons à notre tour : « Pourquoi donc les femmes auraient-elles un fauteuil dans un pays où elles ne peuvent avoir un trône ? Pourquoi voulez-vous leur octroyer la plume, quand vous leur avez refusé le sceptre ? Pourquoi, lorsqu’elles ne sont rien par leur naissance, seraient-elles quelque chose par leur génie ? Pourquoi leur reconnaître un privilège quand on leur a dénié tous les droits ? Une femme, en France, ne peut être duchesse ou comtesse qu’en épousant un duc ou un comte ; eh bien, elle ne doit être académicienne qu’en épousant un académicien. Toute dignité personnelle est interdite aux femmes dans ce beau pays