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LETTRES PARISIENNES (1844).

choses : c’est de les obliger, pour nous nuire, à de grands frais d’imagination. Nous serions désolé que nos vérités pussent leur suffire.

Notre dernier feuilleton nous vaut une foule de confidences involontaires et naïves des plus amusantes. « Je suis tout à fait de votre opinion, dit un de nos amis ; mais il n’y a qu’une chose que je ne peux pas vous accorder, c’est que les Espagnols ont plus d’esprit que les Espagnoles. J’ai habité trois ans l’Espagne, et là j’ai rencontré des femmes plus spirituelles que toutes celles que j’ai jamais vues à Paris. »

Bien ! pensons-nous, cela veut dire que deux ou trois petites caméristes l’ont choisi très-vite ; il en a conclu que les Espagnoles avaient beaucoup de discernement.

Arrive un autre jugeur : « Je suis furieux contre vous ! s’écrie-t-il ; comment pouvez-vous dire que les Italiennes ont moins d’esprit que les Italiens ? mais moi, j’ai connu une Italienne qui avait plus d’esprit à elle seule que tous les Italiens de l’Italie… »

Alors nous nous rappelons une certaine comtesse en ni, dont la bienveillance célèbre explique cette opinion de notre ami.

— Dites tout de suite, répondons-nous, que vous avez connu une Italienne qui vous a trouvé plus d’esprit qu’à tous les Italiens de l’Italie, et n’en parlons plus.

Survient un jeune anglomane : « Ah ! quel blasphème ! dit-il ; prétendre que John Bull a plus d’esprit que les charmantes filles d’Albion !…

— Ne l’écoutez pas, interrompt le premier ami, il est dans les fers de lady ***, il n’a plus voix au chapitre.

— Et lady *** l’écoute-t-elle ?

— Non, elle se moque de lui.

— Ah ! c’est donc pour ça qu’il trouve aux Anglaises tant d’esprit ! Eh bien, messieurs, nous voulons vous mettre d’accord, nous vous faisons une concession, c’est que dans tous les pays du monde les femmes ont plus d’esprit que les hommes. Êtes-vous contents ? Cette concession ne nous coûte rien. »