Page:Œuvres complètes de Florian, Fauché-Borel, 1793, tome 9 - fables.djvu/65

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       S’éloignoient, venoient tour à tour
       Tirer sa queue ou ses oreilles.
Le pauvre aveugle alors, se retournant soudain,
Sans craindre pot au noir, jette au hasard la patte,
       Mais la troupe échappe à la hâte,
 Il ne prend que du vent, il se tourmente en vain,
       Il y sera jusqu’à demain.
       Une taupe assez étourdie,
       Qui sous terre entendit ce bruit,
       Sort aussitôt de son réduit
       Et se mêle dans la partie.
       Vous jugez que, n’y voyant pas,
       Elle fut prise au premier pas.
Messieurs, dit un lapin, ce seroit conscience,
 Et la justice veut qu’à notre pauvre sœur
       Nous fassions un peu de faveur :
       Elle est sans yeux & sans défense.
Ainsi je suis d’avis…--Non, répond avec feu
 La taupe, je suis prise, & prise de bon jeu ;
 Mettez moi le bandeau.--Très volontiers, ma chère ;
 Le voici ; mais je crois qu’il n’est pas nécessaire
       Que nous serrions le nœud bien fort.
— Pardonnez-moi, Monsieur, reprit-elle en colère,
Serrez bien, car j’y vois… Serrez, j’y vois encor.