Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 1.djvu/60

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dre le mourant articuler encore ceci : « Je ne puis pas m’expliquer. » Ce furent les derniers mots qui sortirent de sa bouche.

À ce moment arriva le docteur Lacauchie. Pendant qu’il se trouvait avec l’abbé, je crus pouvoir m’absenter un instant, et sortis à 5 h. Quand je revins, mon ami n’existait plus. Cinq minutes après ma sortie il avait rendu le dernier soupir…

Voici ce que m’apprirent MM. de Monclar et Lacauchie, tous deux témoins de sa fin. Au moment où je m’éloignais, ils s’approchèrent de son lit et virent aussitôt que la mort allait frapper. M. de Monclar se mit en devoir d’administrer au mourant l’Extrême-Onction, et pour s’assurer de ses dispositions à recevoir ce dernier sacrement, il lui dit : « Mon ami, baise le crucifix. » Les lèvres du mourant s’avancèrent, et obéirent complétement à l’exhortation. À cette vue le docteur fit un geste d’étonnement ; il ne s’expliquait pas que l’intelligence et la volonté fussent encore là quand la vie se retirait.

Je contemplai longtemps cette tête chérie que l’âme venait d’abandonner, et vis que la mort n’y avait laissé aucune trace de souffrance.

Deux jours après, dans l’Église de Saint-Louis des Français, on fit à l’homme éminent, qui avait vécu si simple et si modeste, de pompeuses funérailles. C’était un premier acte de justice envers sa mémoire.

Le surlendemain, 28 décembre, je quittais Rome pour revenir en France. Quelques heures avant de partir, je lus dans l’Église de Santa Maria degli Angeli une belle et courte épitaphe latine qui semblait faite pour lui. Je la traduis de cette manière :

Il vécut par le cœur et la pensée,
Il vit dans nos souvenirs,
Il vivra dans la postérité.