Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/100

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selon l’expression anglaise, de lui tâter le pouls. Il l’a aidée même, par des expériences partielles, qu’il savait bien devoir réussir ; et, quand le moment est venu, quand il a vu derrière lui une opinion publique capable de contre-balancer l’influence qui l’avait élevé, il s’est placé du côté de la force, et il a dit aux monopoleurs : Je pensais comme vous ; mais l’étude et l’expérience m’ont détrompé. — Et il a accompli la réforme.

Le discours même, par lequel il a introduit aux Communes cette grande mesure, se ressent des ménagements que doivent s’imposer les ministres qui redoutent plus l’éloignement des affaires que l’inconséquence théorique. Pense-t-on que M. Peel ne soit pas plus libéral au fond que sa réforme et surtout que son discours ? Combien d’hérésies n’a-t-il pas articulées, contre sa conviction intime, uniquement pour ne pas trop heurter une partie de son auditoire !

Et par exemple, quand il a dit : « Qu’avons-nous à craindre ? Nous avons de la houille, du fer et des capitaux. Nous battrons tous les manufacturiers du monde. »

Vous nous battrez ! — Peut-être : et en tout cas, très-honorable baronnet, vous savez bien qu’en ce genre de lutte, c’est le vaincu qui recueille le butin. Vous nous battrez, en nous admettant, par droit d’échange, en communauté de vos avantages. Vous nous battrez comme la Beauce bat Paris en lui vendant du blé, comme Newcastle bat Londres en lui vendant du combustible.

Mais il fallait flatter John Bull et ce qui lui reste encore de préjugés. De là ce mélange de doctrines antagonistes. Qu’en est-il résulté ? ce qui résultera toujours de cette stratégie. L’Europe n’a retenu que cette rodomontade de M. Peel. On l’a citée à notre tribune. L’influence morale de la réforme en a été neutralisée ; et malgré les précédents, malgré les faits, malgré la renonciation à toute réciprocité, la prévention traditionnelle contre le machiavé-